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Adolescente, j’ai découvert Gaston Couté grâce à un ami de mes parents, Jacques Florencie, qui avait mis ses textes en musique et les chantait sur scène, souvent en première partie de Paco Ibanez. Couté et Florencie, deux petits gars de Meung-sur-Loire.

Flo avait chez lui des cartons des œuvres de Couté  (4 ou 5 tomes) qu’il avait récupérés aux éditions anarchistes Le Vent du Chemin quand elles ont fermé. Il m’a donné un exemplaire de chacun de ces recueil, il ne m’en manque qu’un qui était épuisé.

Couté avait une poésie qui parlait à la jeunette que j’étais (et qui me parle toujours). A la fois tendre, très réaliste, très engagé. On y lisait son farouche non-conformisme, ses idées révolutionnaires. Son œuvre est partagée entre son terroir et les cabarets de Montmartre. Et un engagement anarchiste dans lequel il dénonce pêle-mêle l’Etat, l’armée, les institutions, les patrons…

C’est peu dire qu’il a brûlé sa vie. Miné par des années de privation, par l’alcool, bouffé par le tuberculose, il est mort en juin 1911, à 31 ans.

Il mélangeait souvent le français au patois berrichon, ce qui faisait une partie de son succès à Paris, mais il était capable d’écrire un très beau français, comme dans le Cantique païen, son requiem.

C’est quoi la question ? A mais je n’en ai pas. C’est Gaston qui en avait une.

 

Pourquoi ?

Mes vieux, autant que j’m’en rappelle,
Avint eun’ bell’ maison en tuile :
l’s m’él’vint coumme eun’ demouéselle
Et j’allais au couvent d’la ville,
Pis, crac !… V’là les mauvais’s années !
La bell’ maison qu’est mise en vente,
Toute ma famill’ qu’est ruinée,
Et moué que j’m’embauch’ coumm’ servante…

Pourquoué ? pourquoué ?
Je l’sais’ t-y, moué…
L’souleil se couch’ sans dir’ pourquoué

Adieu mon bieau corsag’ de mouére !
Faut qu’je pouille un cotillon d’serge,
Et v’là qu’un jour qu’i’ voulait bouére,
L’gâs au chât’lain rent’e à l’auberge ;
Je l’voués r’veni’ le lend’main même
Et, de l’voueé, v’là mon cœur qui saute !
I’ r’vient toujou’s et v’là qu’je l’aime !
Pourquoué c’ti-là putôt qu’eun aut’e ?…

Pourquoué ? pourquoué ?
Je l’sais-t-y, moué ?
Les ros’s fleuriss’nt sans dir’ pourquoué !

V’là que j’i cède et qu’i m’engrosse,
Pis, i’ s’ensauv’ devant mon vent’e,
N’voulant pas traîner à ses chausses
L’amour douloureux d’eun’ servante.
Ah ! l’scélérat, et quelle histouére !
Mais dans l’vin rouge et pur des vignes,
La dargniér’ foués qu’il est v’nu bouére
J’ai trempé des herbes malignes…

Pourquoué ? pourquoué ?
Je l’sais-t-y… moué ?
L’tonnerr’ tomb’ ben sans dir’ pourquoué ?

Si j’avais fait coumm’ la vouésine,
Quand qu’son galant s’est tiré d’l’aile,
Alle en a r’pris deux, la mâtine !
Pourquoué qu’j’ai pas pu fair’ comme elle ?
J’s’rais pas là, sous les yeux des juges,
Ces homm’s juponnés coumm’ des femmes
Qu’ensev’liss’nt un crim’ sous l’ déluge
D’un tas d’aut’s crim’s ’cor pus infâmes.

Pourquoué ? pourquoué ?
Je l’sais-t-y, moué ?
Eux non pus, i’s sav’nt pas pourquoué ?

Mes vieux, autant que je me rappelle,
Avaient une belle maison en tuile :
lls m’élevaient comme une demoiselle
Et j’allais au couvent d’la ville,
Pis, crac !… Voilà les mauvaises années !
La belle maison qu’est mise en vente,
Toute ma famille qu’est ruinée,
Et moi que je m’embauche comme servante

Pourquoi ? pourquoi ?
Je le sais tu, moi…
Le soleil se couche sans dire pourquoi

Adieu mon beau corsage de moire !
Faut que je porte un cotillon de serge,
Et voilà qu’un jour qu’il voulait boire,
Le fils du châtelain rentre à l’auberge ;
Je le vois revenir le lendemain même
Et, de le voire, voilà mon cœur qui saute !
Il revient toujours et voilà que je l’aime !
Pourquoi celui-là plutôt qu’un autre ?…

Pourquoi ? pourquoi ?
Je le sais tu, moi ?
Les roses fleurissent sans dire pourquoi !

Voilà que je lui cède et qu’il m’engrosse,
Pis, il s’ensauve devant mon ventre,
Ne voulant pas traîner à ses chausses
L’amour douloureux d’une servante.
Ah ! le scélérat, et quelle histoire !
Mais dans le vin rouge et pur des vignes,
La dernière fouis qu’il est venu boire
J’ai trempé des herbes malignes…

Pourquoi ? pourquoi ?
Je le sais tu, moi ?
Le tonnerre tombe bien sans dire pourquoi ?

Si j’avais fait comme la voisine,
Quand son galant s’est tiré d’l’aile,
Elle en a repris deux, la mâtine !
Pourquoi j’ai pas pu faire comme elle ?
Je serais pas là, sous les yeux des juges,
Ces hommes juponnés comme des femmes
Qui ensevelissent un crime sous le déluge
D’un tas d’autres crimes encor plus infâmes.

Pourquoi ? pourquoi ?
Je le sais tu, moi ?
Eux non pus, ils savent pas pourquoi ?

Pourquoi

par Jacques Florencie | Jacques Florencie chante Gaston Couté

Depuis que j’ai entendu Flo interprété cette chanson (avec en seconde voix, Paco Ibanez), à chaque fois que la question tombe et que je ne sais y répondre, je chantonne
« Pourquoi pourquoi, je le sais-tu moi ?
Les roses fleurissent sans dire pourquoi… »

Ceci est ma participation au calendrier En Avent les blogopotes, une idée d’Anne, du blogallet : faire un post sur un thème qu’elle donne et qui change tous les jours.. Aujourd’hui, c’était Question