Elle est assise sur le strapontin, se tenant la tête dans la main. Tout son corps exprime fatigue et lassitude. Son regard est lointain, sa bouche sans sourire. Elle appartient sans doute à l’armée des ombres qui se lèvent avant l’aube pour aller nettoyer les bureaux…
Les yeux dans le vague, elle pose doucement la main sur sa longue jupe noire qu’elle lisse machinalement. Elle soupire, se cale sur son siège, reste indifférente à tous ceux qui passent devant elle. Et sa main continue le lent va et vient sur le tissu sombre. Foulard, chemise fermée jusqu’au menton, jupe longue, elle ne montre de son corps que ce visage las, ces mains abîmées.
A la station suivante, la foule matinale s’éclaircit. Je la vois maintenant tout entière. Et je tombe fascinée par ses pieds, admirables, décorés de henné. Je n’ai jamais vu entrelacs plus exubérants, feuilles et fleurs plus foisonnantes que ces tatouages-là. Je voudrais les photographier, mais je n’ose évidemment pas le lui demander.
Mais si un jour, en passant par le métro, vous rencontrez cette femme, ne faites pas comme les trois capitaines, ne l’appelez pas vilaine, car dans les sabots d’Hélène, dans ces sabots crottés, vous trouverez les pieds d’une reine…