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En 1974, je vivais en Charente, à Sers, petite commune de 413 habitants à l’époque. J’étais en classe de troisième au collège de Villebois-Lavalette. L’année suivante, j’étais censée devenir interne au lycée Marguerite-de-Valois d’Angoulême, une perspective qui m’enchantait (quitter mes parents, mes sœurs, vivre comme une grande) et m’angoissait à la fois. Pas très différente de la plupart des gamins de mon âge vivant en milieu rural.

La vie n’était pas très palpitante. Collège, maison, collège, maison. Une fois par semaine judo… Nous n’allions pas au cinéma, nous n’allions pas au théâtre (mais une petite compagnie venait jouer des extraits de pièce dans les écoles). Nous n’avions pas la télé. Nous lisions beaucoup. En tout cas moi, je lisais beaucoup, à peu près tout ce qui me tombait sous les yeux. Au collège, j’étais responsable de la bibliothèque. A la maison, j’écumais la bibliothèque de ma mère, relativement importante. Mon père ne lisait que des SAS, ou des polars et Astérix. Nous les avions tous. Papa était aussi adepte du journal Spirou auquel il avait été longtemps abonné.

Nous écoutions beaucoup la radio.

Les soirées d’hiver dans la cuisine ou près de la cheminée du salon étaient longues. Les dimanches aussi.

Alors l’annonce de la création du Festival de BD d’Angoulême cet hiver-là a résonné comme la promesse d’un moment passionnant. Un univers fabuleux (et culturel) qui faisait irruption dans notre routine hivernal.

Par ma mère, qui était membre de l’association de parents d’élèves du collège, j’appris que celui-ci comptait nous emmener passer une journée dans ce tout nouveau festival. Ce que le directeur confirma quelque temps plus tard devant l’assemblée des collégiens et des enseignants. Toutes les classes iraient visiter le festival.

J’aimerais vous raconter que j’ai été au tout premier Festival de BD d’Angoulême. Hélas non. Car le directeur précisa : « Toutes les classes sauf les 3e A et les 3e B qui passeront le BEPC (brevet) blanc ce jour-là. »

Plus de cinquante ans après, je lui en veux encore. Déjà, passer un examen blanc n’a absolument rien de réjouissant. Mais que ça nous prive d’une visite au Festival de la BD, alors là, c’était le comble.

Je n’ai même pas pu y aller les années suivantes… A l’été 1974, nous avons déménagé. La famille se réinstallait en région parisienne. Je n’ai plus eu l’occasion de me rendre à ce festival. Fin janvier, ce n’était pas la meilleure période, soit j’avais cours, soit je travaillais…

Mais je n’ai pas dit mon dernier mot. Maintenant que je suis à la retraite (depuis septembre), je peux me lancer dans des projets que je n’avais pas pu réaliser avant. En premier sur ma liste, aller enfin, au Festival de BD d’Angoulême. Après tout, je suis à une heure de train en TGV, deux heures en voiture. Je peux y aller avec mes filles…

Encore raté.

Le festival vient d’être annulé.

Je suis verte !

 

Promenade dans Angoulême

(J’espère qu’on ne va pas me refaire le coup avec le festival Visa pour l’image de Perpignan, un autre de mes projets)