Je suis partie au Portugal avec deux guides différents et complémentaires : Le Guide du routard et Le Guide bleu.
Le premier donne une (tout) petit résumé sur l’endroit visité, souvent avec une certaine distance et pas mal d’humour qui frise cependant la condescendance. Ainsi, l’Alfama est décrit comme « le seul quartier qui a survécu au tremblement de terre de 1755, comme à l’exposition universelle de 1988 ». Amusant, mais facile. Il n’est toutefois pas pontifiant pour un sou. Souvent on achète le Routard pour ses bonnes adresses, classées du moins cher au plus onéreux. Enfin, surtout pour ses adresses les moins chères. Mais que ce soit au Portugal, à la Dominique, en Guadeloupe, en Espagne, etc., j’ai toujours été déçue. Une fois qu’une adresse se retrouve dans le Routard, les prix grimpent en flèche. Ainsi, à Peniche, le restaurant A Sardinha propose des plats 1 ou 2 euros plus cher que ses concurrents avec le même type de cuisine. Donc, de ce côté-là, le guide ne sert pas à grand chose. Par contre, pour les balades, il est top. Parce qu’il insiste sur ce qui donne l’âme à une ville.
Le problème, c’est que je ne m’en suis pas vraiment servi lors de notre premier passage à Lisbonne parce que je l’avais oublié dans la voiture. Mais je me suis rendue compte que, naturellement, nos pieds avaient suivi ses traces. Ainsi, quand nous somme monté au quartier de la Graça (pour les fous de marche, que n’ai-je lu ça plus tôt), nous avons pu admirer la villa Bertha, une petite rue comme un village avec ses petits jardins. Et d’autres cités ouvrières. Et puis, à la sortie du square, un superbe exemple de calçada portuguesa (trottoirs portugais)…
Ils sont si beaux les trottoirs portugais… Mais un peu glissants…
Une fois arrivé à la Graça, il a bien fallu redescendre. Pas question de rebrousser chemin. Alors nous avons emprunté un petit escalier qui se glissait entre les maisons de la Mouraria et qui a pris le nom de Caracol, escargot. On y va aussi vite que ce gastéropode et l’escalier tournicote autant que sa coquille. C’est dire qu’il porte bien son nom. Au début, il est droit, propre, de bon aloi. Au fur et à mesure que l’on descend vers les faubourgs, il devient casse gueule (des marches partent à vau l’eau) et assez crade. Mais il conserve un charme certain avec ses bougainvilliers qui cascadent et ses palmiers. On dirait le Sud. Ça tombe bien, on y est.
La Mouraria doit son nom aux Maures qui décidèrent de rester au Portugal après la reconquête. Contrairement à ceux qui résidaient en Espagne qui se fit un honneur de pourchasser tout ce qui n’avait pas le « sang propre », ils purent vivre en gardant leur foi et leurs traditions. Bel exemple de tolérance.
C’est aujourd’hui un quartier qui vit sur ses souvenirs. Un peu déshérité, il abrite les exilés de toute part, notamment les Africains des anciennes colonies portugaises. Ça lui donne un côté un peu de guingois qui lui sied assez bien. La Goutte d’or lisboète en quelque sorte. Et la circulation n’y est pas beaucoup plus aisée…
Mon autre guide fétiche, le Bleu, m’a bien servi, mais à tout autre chose. D’abord, dans son introduction, il détaille l’histoire portugaise (avec tableau généalogique des rois, ce qui aide quand on visite certains monuments, il n’est jamais confortable de se prendre une dynastie dans la gueule sans rien y comprendre).
Ensuite, il donne des notions d’économie, ce qui peut aussi être utile. Enfin, il vous apprend tout, si vous n’en saviez rien, du roman, du gothique, du manuelin, du baroque, du rococo, du pombalin, bref, des différents courants artistiques qui ont traversé l’architecture portugaise. Parfait pour éviter de dire des bêtises à ses enfants…
Car en fait, le meilleur moyen de faire suivre les mômes dans ces équipées en faisant en sorte qu’ils s’intéressent un peu à ce qu’ils voient, c’est de leur raconter des histoires, l’histoire de ces monuments, avec leurs saints, leurs rois, leurs reines, leurs princes félons… j’en donnerai un exemple frappant dans quelques jours. Sinon, avec la chaleur, on risque la rébellion et le scotchage sur banc public !
Pendant que Lou jouait avec son appareil photo, Léone consultait le fameux guide bleu… Cela dit, elles ont bien mérité quelques pauses. Elles n’étaient pas les seules…
Photo Lou
On n’est jamais trahis que par les siens… Pour en revenir au Guide bleu, il indique, région par région, tout ce qui doit être visité. Et l’on se dit : « Wow ! il y en a des trucs à faire… » Effectivement, il y a des tas d’endroits où je n’aurais jamais mis les pieds si mon petit Bleu ne me l’avait pas conseillé. D’un autre côté, pour certains monuments, je me serais bien passée de ses conseils. Pour reprendre l’exemple de la Graça, quand le Routard insiste sur les ruelles, le quartier, les maisons, l’ambiance, le Guide bleu vous attire sur le Miradouro puis vous envoie tout droit dans l’église. Le Guide bleu est avant tout culturel et un poil intello…
Quand nous sommes arrivés, après une belle escalade sous un soleil de plomb dans des rues pentues aux pavés glissants, l’église Nossa Senhora da Graça était censée être fermée et ne rouvrir qu’à 15 heures. Nous avons donc eu tout le loisir d’admirer le panorama gratifié d’une étoile. Oui… bof…
Et puis je me suis rendue compte qu’en fait, l’église était ouverte depuis un moment. Je me suis alors dirigée vers cette grosse bâtisse blanche, moins laide que le Sacré Cœur, mais pas de quoi s’en relever la nuit non plus. Pas de portail ouvragé, pas de statues, rien de remarquable. Une architecture carrée.
A l’intérieur, une grande nef de pierre rose, plutôt claire grâce à ses fenêtres. Un chœur baroque et on se souvient combien j’apprécie ce style. Quelques statues de cadavres de saints sanguinolents qui ont achevé de dégoûter Lou de la religion, mais qui ont beaucoup intéressé Garance (je soupçonne cette dernière d’être assez mystique dans son genre).
Le guide promet des azulejos – qui se trouvent sur la galerie supérieure dont l’accès est… introuvable –, le tombeau d’Afonso de Albuquerque, gouverneur des Indes et le « Senhor dos Passos » qui est une relique qu’on balade régulièrement dans les rues de la ville. Ces deux derniers éléments, je les ai peut-être vus, mais je ne sais pas à quoi ils ressemblent. Le Guide ne dit pas où ils se trouvent et rien dans l’église ne l’indique. J’ai fait le tour de la nef et du transept, j’ai regardé attentivement les chapelles. Et j’ai trouvé que cela ne valait pas la grimpette.
Pendant que la femme de ménage encaustiquait les sièges des princes de l’église, sa fille et la mienne se tournaient autour en se demandant comment elles allaient surmonter la barrière de la langue. C’était presque fait quand nous avons décidé de lever le camp.
A 15 heures, heure officielle d’ouverture dixit le Guide bleu, les autres touristes se sont engouffrés dans l’église, à la recherche comme moi, de choses à voir. Je me suis dit que le sacristain allait peut-être ouvrir une porte secrète. Mais non, il est resté sur son banc à lire religieusement son ouvrage, indifférent à tout ce qui l’entourait. Les visiteurs ont fait trois petits tours et s’en sont allés, dépités. Peut-être n’ont ils pas vu cette chose étonnante pour une église, ce joli mollet bien galbé et un peu coquin.
Sans doute parce que de nos jours, les jupes courtes qui laissent apparaître la jambe n’impressionnent plus grand-monde. Mais, quand on y pense, aux siècles précédents, il a dû faire fantasmer plus d’un paroissien.
Nous sommes donc repartis par notre petit escalier escargot, avons continué par monts et par vaux, sommes passés devant d’autres églises qui semblaient bien plus jolies mais qui étaient fermées (c’est fou le nombre d’églises au mètre carré quand même) pour redescendre tranquillement vers le Rossio. Par contre, aucun des deux guides n’a pu me donner d’explication pour cette gambette-là. Méfiez-vous, à Lisbonne, même les murs ont des jambes…
Comme d’habitude, cliquer sur une des photos vous emmènera sur mon compte Flickr où vous pourrez voir plein d’autres images de nos promenades portugaises…
1. Le mercredi 13 septembre 2006, 11:26 par











Le mollet de l’ange. Depuis qu’on sait que les anges n’ont pas de sexe, comment pourrait-on fantasmer sur un mollet neutre?
Mais après quatre voyages au Portugal, je n’ai pas encore tout compris.
Tu ne nous dis pas si cette neutralité a un rapport avec la jambe du mur.
Oui, eh bien il a le mollet rudement féminin l’ange et je suis sûre qu’il en a fait rêver plus d’un
La jambe du mur, non, elle existe sans lien avec rien que ce mur.
« il n’est jamais confortable de se prendre une dynastie dans la gueule sans rien y comprendre », c’est ce que je me disais en commençant Fortune de France et en réalisant qu’en cours d’histoire, je devais sérieusement me reposer !
J’ai pris un cours fabuleux sur le rococo au Château de Versailles aussi, par un guide passionné et passionnant, ni bleu, ni routard, mais en chair et en os ! (Moins pratique pour le trimballer dans la poche, du coup).