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Quand une sœur fait un cauchemar qui parle de la famille, cela ne peut qu’interpeler. Nous avons eu un frère. Mort à la naissance car ma mère avait attrapé la rubéole. Rubéole qu’une de mes sœurs avait contracté à l’école et avait refilé à ma mère. J’avais moi-même choppé cette maladie lors de la précédente grossesse de ma mère, mais heureusement, sans conséquence. Car, dans ces cas-là, Dieu sait ce qui peut se passer dans la tête des enfants. J’en sais quelque chose…

Curieux comme ce garçon mort sans même avoir vécu a eu tant d’importance pour nous, mais une importance et un lien différents. Je suis la seule sans doute à me souvenir de ces jours-là, du silence de la maison, un silence inhabituel, lourd pesant, assez fort pour qu’une petite fille de 4 ans puisse s’en souvenir.

Et puis comme une absence. Et le sentiment très fort d’une joie qu’il fallait taire et cacher…

J’ai revu souvent les images de cet appartement immobile, j’ai ressenti l’impossibilité de dire… sans les comprendre. Et puis un jour je me suis souvenu… C’était le jour où maman est rentrée de la clinique, sans le bébé. Et moi, j’étais sans doute folle de joie de la revoir, mais il était impossible de le dire.

On affirme souvent que les enfants rêvent parfois de voir leurs petits frères et sœurs disparaitre pour reprendre leur place d’enfant unique. Nous aurions tous, ou presque, cette ambivalence envers le nouveau venu : amour, haine… je t’aime parce que tu es de la famille, je te déteste parce que tu me voles une part de l’amour de mes parents.

Longtemps je n’ai pas supporté les nouvelles venues dans les groupes auxquels j’appartenais. Les nouvelles venues qui, comme mes sœurs, allaient forcément prendre ma place, m’extraire, me faire perdre un peu de mon aura. Et puis finalement, je m’en faisais des amies. Parce qu’il était plus simple pour moi qu’il en soit ainsi plutôt que d’entrer dans une guerre stérile et que je n’étais pas du tout sûre de gagner. Ou pas certaine de vouloir la gagner. J’avais un lourd antécédent…

Car il y avait ce garçon. Et si mes prières pour faire disparaître ce potentiel rival avaient été entendues ? Et si mes pensées avaient réussi à le tuer dans l’œuf ? L’enfant, jusqu’à l’âge de 5/6 ans est dans la pensée magique. Il vit ce qu’il rêve, il est ce qu’il pense, sa réalité n’est pas la nôtre. Et surtout, quand il voit ses parents malheureux, pourvu qu’il ait été très en colère contre eux, il imagine que c’est de sa faute. Naissance de la culpabilité, de la honte, du secret. De la quête désespérée de l’amour. Je suis une méchante petite fille, est-ce que vous pouvez m’aimer quand même.

Heureusement, un jour, on grandit et on fait fuir ses vilains fantômes qui vous pourrissent la vie. Souvent quand on devient parent à son tour…

On dit aussi que les rêves fonctionnent comme la poubelle de notre cerveau. Quand on arrive à rêver d’une chose, c’est qu’on est en train d’éliminer un malheur. Je l’espère…

1. Le jeudi 21 septembre 2006, 17:29 par Anne

Emue…

Quelques bises affectueuses pour toi.

2. Le jeudi 21 septembre 2006, 17:57 par luciole

Echos et différences … bises …

3. Le jeudi 21 septembre 2006, 17:59 par Akynou

Luciole : c’est sûr. On ne peut pas vivre un tel événement quand on est né avant ou après. C’est une mise en perspective curieuse et qui démontre bien que tout en étant sœurs, nous avons chacune nos vérités :-)

4. Le jeudi 21 septembre 2006, 18:23 par Leeloolene

Les vérités et les perceptions d’événements dans une fratrie sont toujours intéressantes !
De voir l’impact qu’a pu avoir une chose sur l’un alors que ce même événement n’a pas du tout marqué l’autre!

On en rigole souvent avec ma sœur en se faisant des flashback… et en se rendant compte que l’on ne garde pas du tout du tout les mêmes détails en tête d’une même histoire :)

5. Le jeudi 21 septembre 2006, 18:51 par andrem

Alors bonjour les sœurs. Laure, Aude, Alix, Luce. J’ai bon, pour l’ordre?

Les morts qu’on n’a jamais vu tiennent parfois plus de place que ceux qu’on a vécu. Tant de place qu’il faut les combattre au lieu de les suivre, on ne sait jusqu’où ils pourraient entraîner.

Enfin si, moi je sais.

Raison supplémentaire de les combattre sans trève ni repos, car ils sont immortels.

6. Le vendredi 22 septembre 2006, 10:56 par Akynou

Andrem, pas tout a fait. Je suis l’aînée, Mais entre Alix et moi, il y a le cinquième élément qui ne blog pas, puis Aude et Luce :-)

7. Le vendredi 22 septembre 2006, 14:58 par Fauvette

Très émue.
Bises amicales.

8. Le vendredi 22 septembre 2006, 23:01 par Aude Dite Orium

heu… moi aussi je suis fidèle au poste! je ne me signale pas toujours, mais je suis là! bisous.
(Le cinquième élément, elle adorerait, hi hi)

9. Le samedi 23 septembre 2006, 03:26 par Mamounia

Je comprends très bien tes émotions bien que les tiennes soient plus fortes que les miennes puisque tu as « connu » ton frère… Je n’ai pas connu le mien, mort à la naissance aussi, mais avant ma naissance. Mais j’y pense souvent et j’ai donné son nom à mon plus vieux…

10. Le samedi 23 septembre 2006, 23:12 par Etolane

J’absorbe cette histoire qui me touche, avec respect je dépose là ma pensée émue…

11. Le dimanche 24 septembre 2006, 19:24 par Vroumette

Elimine, élimine ces mauvais souvenirs !

12. Le dimanche 24 septembre 2006, 22:58 par avanaé

Je trouve ce témoignage , bien sûr émouvant , mais aussi très riche de la proximité de ta mémoire d’enfant. Et , puis , ça sonne très juste, la fonction des rêves qui élimine petit à petit , exorcise l’indicible…Ca me parle sur d’autres types d’événements, mais …
Bref, merci pour ce touchant billet.

13. Le lundi 25 septembre 2006, 23:33 par alixcire

Comme a dit Aude Dite Aurium, le cinquième élément, elle adorerait, c’est certain. ;-)
C’est fou ce que cette disparition a pu engendrer comme effet sur notre fratrie. Moi, je me suis arrêtée aux explications de maman pendant très longtemps, elle m’ont en quelque sorte bouché la vue. Aujourd’hui, je me demande pourquoi je ne suis pas allée chercher plus loin? Parce que quelque part, j’étais sa remplacente sur terre. C’est elle qui me disait que j’avais été mis en route très vite après pour oublier. Et ce n’est pas neutre.
Un ptit sourire pour finir. Elle nous a toujours dit que si elle avait eu un garçon, elle l’aurait prénomé Gilles. Un jour, je lui ai répondu que j’avais de la chance de ne pas m’appeler « Gillette » ;-)

14. Le lundi 25 septembre 2006, 23:39 par Akynou/racontars

Alix :-)