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En troisième, pendant le cours de science naturelle, mes condisciples et moi-même suivîmes des leçons de génétique. Une initiation. Deux exemples étaient pris. La couleur de la peau et celle des yeux. Nous avons découvert le rôle des caractères dominants (comme le gène de la pigmentation des peaux noires, ce qui ne manque pas de sel quand on y pense), celui des caractères ressessifs, qui disparaissent au premier mélange, mais jamais tout à fait. Ainsi, deux personnes qui ont les yeux marrons peuvent avoir des enfants aux yeux bleus (à condition d’avoir tous deux des aïeuls, même lointains, aux yeux bleus). Mais le contraire était impossible…

Cette démonstration me laissa un moment songeuse. Je trouvais cela passionnant et, en même temps, étrange. Au bout de quelques minutes, je levais le doigt et déclarais tout de go que cela ne pouvait pas être vrai, puisque je connaissais un couple de ma famille dont les deux parents avaient les yeux bleus alors que l’enfant les avait noirs… Silence gêné de l’enseignante qui dut se demander ce qu’il valait mieux faire : protéger la paix des familles au prix d’un mensonge scientifique ou rétorquer que la science étaient infaillible, mais pas les êtres humains…

Elle finit par me répondre que tout était affaire de dosage, qu’il ne fallait prendre en compte que les yeux bleus bleus bleus, pas ceux tirant sur le gris ni sur le vert… Je dois reconnaître que sa réponse était un chef-d’œuvre de diplomatie et d’a propos. Mais j’étais une jeune ado têtue. Je me rassis sans être tout à fait satisfaite de la réponse.

Il faut dire que le mystère des naissances m’a toujours intriguée. Déjà, lors de ma première année au collège, mes parents nous avaient annoncé la naissance d’un cousin alors que le mariage de ses parents n’avait été célébré que six mois plus tôt. Je m’était esclaffée : « Ha ben ces deux-là, ils n’ont pas perdu de temps ! »

Je donnais le dos à mes parents, mais le silence inhabituel qui suivit ma déclaration me fit me retourner. Les voir se manger l’intérieur des joues pour ne pas pouffer me fit comprendre qu’il y avait anguille sous roche. Et c’est ainsi, dans un éclair de lucidité, que je me rendis compte qu’entre le mois d’octobre – date du mariage de mes parents – et celui d’avril qui vit ma naissance, il n’y avait pas non plus neuf mois… Ce n’était pas un secret. Mais ils ne le criaient pas sur les toits. Et si j’étais si attentive aux grossesses post nuptiales des autres, c’est sans doute qu’inconsciemment, je devais savoir qu’il en allait de même pour moi.

J’étais un bébé de l’amour, m’avait-on souvent dit sans que je sache bien ce que cela signifiait… Le fait est que mes parents n’étaient pas issus du même milieu et que, maternels comme paternels, mes grands-parents ne voulaient de cette union. Mon père n’avait pas 20 ans, il n’était donc pas majeur. Le véto tomba, on avait d’autres vues pour ce garçon. La décision était incontournable, mais pas irrévocable. Car s’il était de bonne famille, il n’était pas l’aîné et n’avait donc aucun rang à tenir si ce n’est celui du quand dira-t-on. Et puis nous étions à la fin des années cinquante et si la bonne société ne bougeait pas d’un iota, ce n’était pas le cas de sa jeunesse.

Mes parents décidèrent de vivre ensemble, advienne que pourra. Et c’est moi qui advint. Le jeune couple investit la chambre de bonne de l’appartement d’un de mes oncles. Ma mère tomba enceinte assez rapidement. Mes parents furent les seuls à en être heureux. Les autres membres de la famille commencèrent, eux, à négocier les réparations. Ne vous méprenez pas, il n’y avait pas de fortune à gagner. Juste des questions de convenances… Bref, mes parents se marièrent et, heureusement, eurent beaucoup d’enfants, ce qui noya ma petite histoire parmi celle des autres.

(…)

&; Le mardi 21 novembre 2006, 19:13 par andrem

Tu le fais exprès ou quoi?

Au moment même où je commentais que ta mère était belle, tu racontais un racontars comme quoi ton père l’avais remarqué bien avant moi.

Ce n’est toujours pas une participation au dyptique.
Quoique.

2. Le mardi 21 novembre 2006, 19:44 par a n g e l

eheh moi je me suis fait une flippe quand j’ai capté que mes parents étaient de rhésus + et moi AB-
En fait j’ai fait des recherches, et c’est possible, mon père est donc bien mon père ^^

3. Le mardi 21 novembre 2006, 21:46 par laurent

Et moi, mes parents … moi aussi je suis un bébé de l’amour, et pas des années cinquante .. pour se retrouver, pour être ensemble, j’ai été leur trait d’union, et d’amour !

laurent
blog.laurent.eu.org

4. Le mardi 21 novembre 2006, 23:47 par Akynou/racontars

Laurent, c’est une jolie définition. Cela a sans doute été le cas de mes parents aussi. Sauf que ça s’est mal fini :-)

Angel : Ah oui, j’avais oublié cette histoire de rhesus. Mais comme on ne se balade pas avec son rhesus marqué sur son front, c’est un élément qui avait moins attiré mon attention…

Andrem, j’ai ajouté la photo de ma mère, pour que tout le monde sache de quoi tu parles :-)