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Non, ce ne fut pas simple tous les jours.

Notamment parce que le Nom, lui, n’avait pas la même démarche et avait du mal à accepter la mienne. Pour lui, moins on en disait, mieux c’était. C’est une règle de vie pour lui, c’est devenu un principe rigide sur le cas de Lou. Il a toujours refusé de révéler quoi que ce soit à sa famille et m’a demandé de faire de même. Je pense qu’il ne voulait pas qu’on puisse remettre en cause sa paternité. Donc, officiellement, sa famille n’est au courant de rien. Ce qui a provoqué quelques situations délicates.

Ainsi, il a fallu expliquer pourquoi Lou ne portait pas le nom de son père, mais le mien. J’ai inventé une histoire à propos du mien, de père, qui souhaitais que son nom demeure… Alors que franchement, un nom est un nom, celui là ou un autre…

Quand nous nous sommes mariés, ma belle-mère m’a demandé pourquoi je ne régularisais pas la situation de Lou dans la foulée. Là encore, je m’en suis tirée d’une pirouette… Heureusement que j’ai de l’imagination et une bonne connaissance des possibilités légales qui donnaient à mes mensonges un air de véracité. Mais je n’aimais pas trop ces racontars là…

Le plus pénible fut quand Lou eut 5 ans. Léone venait de naître. Nous passions quatre mois dans la famille du Nôm. Lou a raconté qu’elle était une enfant adoptée à ses cousins, qui l’ont répété à leur grand-mère qui en a parlé à ma belle-mère qui elle-même en a touché deux mots au Nôm. Coup de rage du papa outragé qui a attrapé sa fille par le cou. Je suis intervenue juste à temps.

J’ai pris Lou à part et je lui ai expliqué qu’il ne fallait pas en parler chez sa grand-mère. Que son père ne le voulait pas parce qu’il ne voulait pas qu’on pense qu’il n’était pas son père. Et puis j’ai discuté avec ma belle-mère en disant qu’il ne fallait pas accorder d’importance aux propos des enfants de 5 ans, qu’à cet âge-là, ne maîtrisant pas du tout la notion de mensonge et de vérité, ils racontaient beaucoup d’histoire.

C’était vrai par ailleurs. Lou racontait vraiment beaucoup de bobards. Mais j’ai détesté dire cela, j’avais l’impression de la trahir. Ma belle-mère a fait semblant de me croire et s’est bien gardée de poser plus de questions. Je pense qu’à elle, un jour, il faudra que j’en parle. Les autres, je m’en fous.

Lou est une gamine intelligente, elle a très bien compris. Et si elle en parle librement à Paris, à ses amies, à ma famille, elle n’en dit plus un mot là bas. Cependant, elle a fait le tour de la question et de ses interrogations. Ce n’est plus vraiment pour elle un sujet de discussion. Et quand je lui parle de J., elle hausse les épaules. Elle n’en garde pas de souvenir. Pourtant, elle l’a vu souvent petite. Mais pour le moment, il ne lui est rien.

Le Nôm étant dans le déni, il est difficile de parler de sa paternité avec lui. Tant que Lou a été bébé, il a été un papa totalement gâteau avec elle. Gâteau voire même gâteux. Par contre, quand elle a été plus âgée, vers 4 ans, il a commencé son « éducation » et donc a être extrêmement sévère avec elle. Son attitude a changé du tout au tout. Et comme cela correspondait à la naissance de Garance, j’ai eu très peur. Très peur qu’il oublie cette paternité alors qu’il avait une fille à lui.

Je n’ai jamais réussi à lui en parler, jusqu’au soir d’une engueulade chez ma mère. Il a été si surpris que je puisse avoir eu cette idée qu’il en est resté sans voix. Ce qui m’avait rassuré cependant, c’est que quand Garance a eu dans les 4 ans, elle a connu le même sort que sa grande sœur. Léone, la petite dernière, est encore en sursit à 6 ans et demi. Mais faut dire qu’elle le soigne son père et qu’il ne sait pas résister à ce petit bout de femme qui passe son temps à lui faire des câlins et des grandes déclarations d’amour…
Enfin, tout ça est un autre sujet.

Pour en revenir à notre histoire de date et de gène, j’ai connu bien d’autres angoisses.

La suite…

1. Le vendredi 23 février 2007, 13:30 par andrem

Bonjour Akynou.

J’avais oublié à quel point j’attendais la suite de ton histoire génétique. Et tu fais durer le mystère avec tes fins en forme de à suivre.

Des fins qui justifient les moyens.

Je dis n’importe quoi ne sachant comment te dire à quel point tu touches ici, et là et là, des points sensibles. Et ton bébé qui reconnais son père, quelle jalousie me saisit soudain en te lisant!

Pourtant j’ai connu cette étonnante reconnaissance par un saut de génération, par la fille de ma, comment dire, fille. Tant qu’elle ne me reconnaît pas, j’ai un peu l’impression d’être imposteur en la nommant ainsi.

Mais sa fille à elle a tout compris sans qu’on ne lui dise rien. Enfin, je me plais à me faire ce cinéma là.

Un jour de fête familiale, il y en avait encore en ce temps là, parents beaux parents enfants cousins cousines étaient réunis joyeusement dans leur petit appartement parisien. La petite dormait sa sieste dans la chambre de bébé voisine. Deux ans probablement, mon souvenir peine à poser la date pourtant pas si lointaine.

A l’heure du goûter, elle est allée réveiller son bébé de fille. J’étais assis en tailleur dans un coin, peu enclin à m’esclaffer avec tous, et personne ne l’avait vraiment remarqué.

Le temps de la préparer et de ranger derrière, la mère n’est pas sortie aussitôt et la petite s’est trouvée seule dans le vacarme. Panique. Tous ces gens. Elle les connaît tous et les aime, elle les voit souvent, le père le grand-père la grand-mère, l’oncle et la tante, les cousins germains, ils sont tous de son monde de toujours. Pourtant Panique.

Elle s’est jetée entre mes deux genoux sans rien dire et aussitôt calmée.

Voilà. Alors Ulysse, je comprends. Et je comprends son secret que personne ne le lui vole. A tord ou à raison.

2. Le vendredi 23 février 2007, 14:10 par Marloute

C’est assez incroyable comme je suis très gourmandes de toutes tes histoires. Tu racontes très bien les aléas de la vie, et moi, ton exemple m’aide à relativiser. C’est vraiment passionnant toutes ces histoires… Un jour, je crois que je vais les imprimer, les relier, et m’en faire un petit livre de chevet, à lire, à relire, comme une musique.
Merci Akynou

3. Le vendredi 23 février 2007, 19:08 par a n g e l

ouhla j’aurais pas aimé être à ta place, coincée dans des mensonges… ce n’est pas évident du tout, de ménager la chèvre et le chou, surtout qu’à te lire, on sent bien que tu es une femme de vérités…

4. Le vendredi 23 février 2007, 19:55 par Fauvette

Moi aussi comme Angel, j’essaie de t’imaginer luttant contre le mensonge, voulant limiter les éventuels dégâts… et, j’ai du mal, ce n’est pas ton genre…
Ton billet est très émouvant. Merci de ta confiance.