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Longtemps, j’ai détesté les dimanches. Maintenant, je me contente de trouver qu’ils passent trop vite. Entre ce que je prévois de faire, et ce que je réalise au bout de compte, il y a aussi loin que de la coupe aux lèvres. Ils sont pourtant bien remplis, de ces mille petites choses qui, séparément, ne ressemblent à rien, mais mises bout à bout font une vie, un dimanche, à Paris…

M’étant couchée tard, j’aspirais à dormir le plus longtemps possible. C’est sans compter avec la curiosité des enfants, qui vérifient si je suis bien rentrée de mon escapade de la veille au soir, éprouvent le besoin de me faire une caresse ou de s’engueuler copieusement dans leur chambre qui jouxte la mienne.

Alors, je me lève. Il est déjà 10 heures passée et je m’en vais dans la cuisine faire mon thé. Un cérémonial. Le week-end, je n’utilise pas les sachets, mais je me fais mes propres mélanges. Cette fois-ci, c’est lapsang souchong bien fumé et rooïbos aux épices que je laisse infuser longtemps, je l’aime corsé. Et n’en déplaise aux puristes, j’y ajouterai du lait et du sucre.

Sur le rebord de l’évier, dans un saladier transparent, la promesse du déjeuner. Ce sera matété a krab, ceux-ci ayant été ramenés de Guadeloupe lors d’un précédent voyage et nous attendaient depuis dans le congélateur. C’est le plat traditionnel de Pâques, mais nous n’avions pu y goûter car nous étions partis en vacances. Comme dit la chanson : « Matété a krab ké rend’ nou solid’ kom sa… ».

Un dimanche…

Quinze fois dans la matinée, les filles me demandent si on ne peut pas aller faire du roller après déjeuner. J’acquiesce. Tant pis, je prendrais des bleus sur les hanches et les fesses. Mais il faudra bien que j’apprenne à freiner. A la fin du repas, le ciel s’obscurcit et bientôt une violente pluie s’abat sur le quartier. Elle résonne sur le toit, sur les vitres. Les portes claquent, les rideaux des fenêtres sont en folie. C’est pas de chance pour les rollers, dis-je totalement hypocritement…

Un dimanche…

Les filles vont jouer dans leur chambre, moi avec mon ordinateur. je bidouille des sons pour un prochain billet. Entre temps, le ciel s’est dégagé, le ciel est magnifiquement bleu et les mousmés s’étripent joyeusement. Je décide d’arrêter l’entraînement au catch en les sortant pour une petite balade vite fait. Le monsieur, sur le muret de pierre près de la porte d’entrée me salue. Il me voit passé tous les matins depuis quelque temps, mais c’est la première fois que je le remarque. Il lui manque une partie du visage.

Un dimanche…

Je lui demande ce qui lui est arrivé, il fait la moue. Tant pis, je le quitte suivie de mes petites chéries qui se houspillent. Un peu plus loin, nous découvrons un monde étrange, peuplé de fourmis géantes de toutes les couleurs. Il y en a des jaunes, des rouges, et même des bleues. Celles-ci ont l’air malade, je préfère les autres.

Un dimanche…

La boutique Antoine et Lili a toujours des idées de décoration légèrement décalées. Ils ont encore dû fumer le moquette. Faudra que je leur demande l’adresse de leur fournisseur. Ça a l’air de la bonne marchandise… Nous repartons en chantonnant : « Tu te rappelles on s’était couchés, sur un millier de fourmis rouges, aucun de nous deux n’a bougé, les fourmis rouges… »

Rue Yvonne-Le-Tac, nous sommes prises à partie par de dodus angelots. Ils jouent les exhibitionnistes sur la vitrine d’un magasin à eux consacré. Le vent souffle fort, il fait un peu frais, ils ne devraient pas rester tout nus dans la rue.

Un dimanche…

Je ne fait pas dix mètres qu’un autre me siffle. Décidément, c’est une invasion. Et par les temps qui courent, c’est plutôt étonnant, nous ne sommes pas des anges. Nous ne l’avons jamais été, mais c’est encore plus marquant depuis le dimanche précédent.

Cet ange-là vante les mérites du jus de la treille. Il n’a pas tort, autant tout oublier et s’enfoncer dans l’ivresse. Mais la porte est close. Des promesses, toujours des promesses… O tempora, o mores…

Un dimanche…

J’entends un rire derrière moi. Je me retourne et j’aperçois superfatwoman. Wow ! Mais que faite vous là ? Une menace pèserait-elle sur nous ?
– Je ne vous le fais pas dire me répond-elle du tac au tac. Depuis le 6 mai, je n’arrête plus. Vous, les Français, vous avez le chic pour vous foutre dans le guêpier. Je ne sais pas si je tiendrai cinq ans à ce régime… Et elle s’envoie en l’air, tendant en avant un poing vengeur. Damned ! C’est encore pire que ce que je pensais.

Un dimanche…

Miss Tic a envahi les murs de la galerie Chappe. Nous ne pouvons que constater les dégâts. Pendant que je relève minutieusement les empreintes de son passage pour ma collection d’indices, je me sens observée. Je fais semblant de rien, puis me retourne brusquement. Il n’a même pas le temps de se fermer.

Un dimanche…

– Hé vous gênez pas, l’engueule-je.
– Je ne fais rien de mal. Je regarde, juste.
– Ouais, hé bien vous feriez mieux de regarder ailleurs. Par les temps qui courent, moi, je ne fais confiance à personne. Est-ce que vous vous rendez compte que même mort, on n’est plus tranquille. Voyez ce qui est arrivé au doyen de l’humanité. L’œil était dans la tombe et regardait Caën ! Alors arrêtez votre manège, hein !
– Vous n’iriez pas me dénoncer quand même.
– Non, je ne mange pas de ce pain là, mais tenez-vous à carreaux !
Juste en dessous Miss Tic aguiche le chaland. Elle a quitté la rue et s’offre dans une galerie, au plus offrant. L’art n’est plus ce qu’il était…

Un dimanche…

Nous continuons notre promenade. Les filles courent devant, s’arrêtent et m’appellent. Il faut que je vienne voir, il y a des trucs marrants par terre. Je me penche. Nous sortons nos loupes et regardons ces drôles de petites choses, à peine esquissées, presque effacées.

Un dimanche…
Un dimanche…

Mais en relevant le nez, nous sommes bien obligées de constater que tout ce qui est à terre n’est pas forcément amusant…

Dans ce cas là, il ne reste qu’à lever les yeux au ciel. Qu’est-ce que ça change ? Que dalle, juste on fait semblant de rien, on sifflote un air connu et on continue notre chemin. Tiens ! un chat volant…

Un dimanche…
Un dimanche…

C’est pas avec lui que je vais jouer à chat perché ! Il y a de la triche dans l’air. Nous remontons la rue, à Montmartre, c’est assez courant. Des fois, on les descend aussi. Mais ce n’est pas pour tout de suite. Arrivées au pied d’une volée de marches, nous hésitons.

Nous demandons à Spider-Man s’il peut nous emmener jusqu’en haut. « Vous me prenez pour qui, je ne suis pas le funiculaire ! » nous rétorque-t-il, hautain. Il s’est vraiment pris la grosse tête. Et puis, il est minuscule ! On dirait un môme… On est toujours déçu par ces vedettes. Sur l’écran, ça fait des étincelles. En vrai, c’est rien que des nains à talonnettes.

Un dimanche…

Sur son mur, Mao se gausse. Je lui riverais bien son clou, mais j’ai oublié ma bombe à la maison (je précise tout de suite pour les commissaires politiques qui pourraient lire ce blog qu’il s’agit d’une bombe de peinture, je ne suis pas une terroriste, même si je ne pense pas encore dans la ligne).

« C’est pas mon jour… Je croise plein de fantômes. Superfatwoman, cet andouille de Spider-Man et vous, maintenant, lui dis-je. Qu’est-ce que vous foutez-là ?

Un dimanche…

– Vous savez comment ils sont à Boboland, toujours en train de recycler. Avant c’était le che qu’on mettait partout, maintenant, c’est moi. Là, vous me voyez sur les murs, mais bientôt je serai dans vos draps, enfin dessus. La mode, c’est plus fort que le maoïsme. J’aurais dû miser la dessus. Je continuerais à vendre des petit livres rouges…
– Bah, le console-je. Ne vous en faites pas. Si vraiment ils ont décidé de vous remettre au goût du jour, des bouquins, vous en vendrez plus que vous ne pourrez en écrire.
– Surtout que je suis un peu mort quand même…
– Ah oui, c’est vrai, excusez-moi. Bon, ben c’est pas que je m’ennuie, mais faut que je continue maintenant…
– Faites attention à vous, les temps sont peu sûrs. J’espère que vous avez vos papiers sur vous. Moi, à la mode ou pas, j’ai toujours peur qu’on m’expulse.
– Ne chinoisez pas. Tant que vous n’avez pas de petit-fils rue Rampal, vous ne risquez pas grand-chose.
Je manque de butter sur un mec allongé par terre. Pourquoi il n’a pas de tente celui-là…

Un dimanche…

J’en ai marre, je décide de rentrer. Retour dans la réalité. J’envoie les filles au bain. On organise une chasse aux poux. Les grands moyens. D’abord shampooing, puis essence d’arbre à thé. Puis on compte les morts. Dans la tête de Léone, il n’y a que deux petits cadavres. Dans celle de Lou, aucun. Mais dans celle de Garance, je tombe sur une charnier. L’arme chimique a fait son effet. Mais je crains un retour de la rébellion. C’est que je croyais déjà les avoir exterminés la semaine dernière. Je prends les grands moyens en réduisant drastiquement leur champs d’action.

Poux zéro, maman 1…

Voilà, c’était juste un dimanche… Un jour, je vous raconterai peut-être mon samedi. Mais là, je crois que je vais aller me coucher. Je me demandes ce qu’il y avais dans les crabes…

Bon si vous cliquez sur les photos tout ça… comme d’habitude quoi…

1. Le mardi 15 mai 2007, 12:39 par TarVal, au boulot

Mais il y a plein de gens connus ou qui gagneraient à l’être dans ton quartier!! Moi je n’ai personne, que le voisin du rez-de-chaussée qui me regarde bizarrement chaque fois que je passe.

2. Le mardi 15 mai 2007, 14:26 par Akynou

Ben oui, à Montmartre boboland, il y a plein de people :-)

3. Le mardi 15 mai 2007, 16:36 par luciole

Quelle ballade !!! J’en ai le souffle court jusqu’au bout ;-))

4. Le mardi 15 mai 2007, 18:44 par andrem

Ah bon, parce qu’il y a un funiculaire à Montmartre?

On me dit jamais rien.

5. Le mardi 15 mai 2007, 20:48 par a n g e l

saleté de pouxes!

on les aura va!

(elle est superbe cette note)

6. Le mercredi 16 mai 2007, 12:57 par Moukmouk

Magnifique le billet, mais je suis très triste pour les cheveux de la fille…

7. Le mercredi 16 mai 2007, 13:22 par Anne

Quels yeux ! Que de petites surprises aux coins de rues !

Garance ressemble à un petit farfadet aussi joli que malicieux et tendre, avec sa nouvelle coupe. J’espère qu’elle a bien vécu la méthode dite du ratiboisage, et que ça lui plait.

8. Le dimanche 20 mai 2007, 19:18 par cali rezo

extra ta promenade, j’adore (:
(j’adore moins les poux mais bon, t’as gagné au moins !)

9. Le dimanche 20 mai 2007, 23:30 par Oxygène

Quel plaisir de revenir ici ! Ça me change de mon dimanche avec pluie équatoriale, ciel gris et vapeurs évanescentes dans les arbres.

10. Le lundi 21 mai 2007, 16:48 par Akynou

Andrem : oui, mais en fait, faut pas le dire, c’est top secret, réservé aux touristes gogos :-)

Moukmouk : pourquoi ? Les cheveux ça repousse. Et de toute façon, c’était un de ses souhaits depuis nani nanan. Les poux étaient un bon prétexte. Et puis ce ne sont pas les cheveux longs qui font ni la fille ni sa joliesse, non ? :-)

Anne : Si Garance n’avait pas voulu, je ne l’aurais pas fait, bien sûr. Je ne suis pas une sauvage :-)

Cali : le 18e est plein de surprise, en fait :-)

Oxygène : je te rassure, le dimanche suivant il a au moins autant plu qu’en Guyane. Nous n’avons pas la vapeur, mais le brouillard…