J’ai ouvert la grille et suis sortie dans la rue déserte. C’est alors que je l’ai entendu. Les écouteurs vissés dans les oreilles, il chantait tout seul. Un vieil air de blues ou de rock. Avec sa gueule burinée à l’alcool, on aurait pu croire qu’il titubait. Mais non, il dansait. Au milieu du chemin, il écarta les bras, se saisit d’un micro imaginaire et entama son solo. C’était la chance de sa vie, il se lançait, allez, tant pis !
L’espace d’un instant, la star, ce fut lui.
Sortant de chez le kiné, je longe le square et je les vois. C’est un couple d’anciens dont les années ont cimenté la complicité. Ils sont assis l’un près de l’autre, épaule contre épaule, ils se regardent, ils se sourient. Il penche sa tête pour mieux entendre les mots qu’elle lui glisse à l’oreille. Sa main à elle caresse lentement sa nuque à lui. Ils ne disent plus rien, regardent tous les deux dans la même direction, un petit sourire figé sur les lèvres. Puis elle se lève, glisse derrière lui, légère, et l’emmène plus loin, ailleurs, poussant en dansant son fauteuil roulant.
Dans la boutique de thé. Il se tient derrière le comptoir, attentif dans son beau costume écru. Il parle peu, juste ce qu’il faut, mais avec une politesse appliquée, déférente. Ses mains rapides, précises, dansent, mesurent, soupèsent, tendent, rangent. Il remercie la cliente qui l’a à peine remarqué. Puis disparaît. C’est la pause, il en a demandé l’autorisation, accordée sans même un regard. Vous ne le retrouverez pas devant la porte de la boutique, pas même à la sortie de service. Il s’est réfugié tout en bas d’une rue adjacente, que j’emprunte par hasard, mon paquet à la main. En chaussettes, accroupi sur une marche d’escalier, il fume lentement, ses chaussures bien alignées sur le trottoir. Il me voit et se sent découvert. Je perçois la gêne dans ses yeux. Alors je m’applique à ne pas le remarquer, à respecter son d’intimité. Nos regards ne se croiseront pas.
Oublié dans une maison de retraite pour vieux riches, le vieux saltimbanque est mort cette nuit et la presse se précipite. Pour lui rendre hommage ? Peut-être. Ou pour mieux traquer cette ancienne épouse qui opta ensuite pour un autre destin. La mort est cruelle, certes, mais pas autant que la vie. Il aurait mérité une autre fin.
A la pêche au moule moule moule, je ne veux plus aller, maman, les gens de la ville ville ville…
1. Le vendredi 14 septembre 2007, 19:30 par Leeloolène
Toute la journée en ouvrant Internet j’ai eu sous les yeux : « Jacques Martin / L’animateur de télévison, et ex-mari de Cécilia Sarkozy, est mort », sur Yahoo Actualité.
Ca m’a fait de la peine de voir un titre aussi réducteur pour cet homme aussi singulier…
Encore encore encore le « souverain suprême » mis en avant, jusque dans la mort d’un grand homme.
Ca en devient grotesque, ridicule et déplacé ce matraquage autour de S@rko Mes C……s !!
(d’ailleurs, excellent JT de TF1 ce midi sur la disparition de J. Martin. 45 minutes d’images d’archives que je découvrais et qui m’ont vraiment fait prendre conscience du talent de cet homme que ma jeunesse réduisait essentiellement à L’école des fans. Son ton satirique sur la politique de l’époque est fabuleux ! Son association à Desproges, énormissime… J’ai beaucoup ri. Je te conseille de regarder ce soir si tu es une « fan »… ou de revoir sur le site de TF1 certains extraits)
2. Le vendredi 14 septembre 2007, 20:06 par anita
Un belle série de portraits, justes et touchants. En ce qui concerne le dernier, n’ayant plus la télé, je ne me suis pas rendue compte du matraquage. Mais il y eut un temps ou « le petit rapporteur » avait un vrai ton cinglant et drôle.
3. Le vendredi 14 septembre 2007, 20:10 par Akynou
leeloolène : ce soir, je suis consignée au boulot… tu te doutes pourquoi.
Merci anita
4. Le vendredi 14 septembre 2007, 20:16 par Leeloolene
En attendant les papiers… tu pourras regarder sur le site du JT 
Mais regarde le 13h… le 20h était nase !
Bon courage… ça va être loooong…
5. Le vendredi 14 septembre 2007, 20:28 par Akynou
non, pas trop. je finis dans une heure maxi