Parce que Impasse Sud m’a passé le relais et que Lulu aussi, et qu’elles l’on fait gentiment, je réponds à ce petit questionnaire sur les lectures.
Combien de livres lisez vous par an ?
Aucune idée. En plus, c’est très variable. Quand je travaille, je n’ai le temps de lire que dans le métro, environ quarante minutes par jour. Je lis aussi dans mon bain le soir, une vingtaine de minutes.
Malheureusement, je suis souvent trop fatiguée. Il faut dire que je passe mes journées à lire. Pas de livres, mais des articles. Alors, parfois, les yeux se fatiguent et demandent grâce.
En vacances, je n’ai jamais assez de bouquins. Je les avale. En plus j’ai la chance de lire très vite… Tout ça ne fait pas un chiffre. Mais je suis incapable de quantifier. C’est tellement variable…
Quel est le dernier livre que vous avez acheté
Je n’achète quasiment pas de livres. J’en donne beaucoup. Comment je fais ? Mon secret s’appelle service de presse. Il faut trier, il y a beaucoup de merdes, disons 75 %. Il y a 20 % sont « lisables » et distrayants. Seul 5 % sont vraiment bons. Et encore, je dois être bon public. Cependant, j’en achète pendant les vacances, pour compléter le trop petit nombre (minimum une dizaine) que j’ai emmené avec moi. Je n’en prévois jamais assez. Coup de chance toutefois, j’en ai acheté trois, il y a environ un mois.
Les deux premiers, c’est un post d’Anitta (une lecture que je vous recommande) qui m’en a donné l’envie. Le troisième, parce que j’ai décidé d’acheter tous les livres de Marjane Satrapi et ceci pour deux raisons. La première est que j’adore tout ce qu’elle fait. La seconde parce que le virus m’a été inoculé par une amie très chère aujourd’hui disparue. C’est ma manière à moi de lui être fidèle.
Comme donner les livres. Un truc qui vient d’elle. Avant, je gardais tout, j’avais besoin de posséder. Elle, elle donnait les livres qu’elle avait aimés, pour transmettre. Peut-être parce qu’elle savait qu’elle n’avait plus le temps d’en profiter, qu’elle voulait que d’autres puissent s’en régaler. Toujours est-il que moi aussi, je me suis mise à donner mes livres. Il m’en reste énormément. Mais je m’en sépare plus volontiers. J’en abandonne même quelques-uns dans des endroits publics en espérant qu’ils trouvent de nouveaux lecteurs.
Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?
Le Maître des carrefours, de Madison Stuart Bell. Un pavé de 950 pages et ce n’est que le tome 2. Il relate, sous forme de roman historique, les événements qui ont conduit Saint-Domingue à devenir Haïti et trace les grandes lignes de la vie de Toussaint Louverture. Passionnant ! C’est bien écrit, formidablement documenté, haletant, angoissant, romantique aussi par moments… avec, surtout – ce que j’ai trouvé émérite pour un Américain, Blanc de surcroît –, un véritable respect de la culture noire et vaudoue. L’histoire est racontée à plusieurs voix : un bossale, filleul de Toussaint, un Blanc et le narrateur. Une très grande fresque.
Je suis en train de lire M. Potter, de Jamaïca Kincaïd. Très spécial. Je crois que j’ai lu tous ses livres parus en France. Elle y retrace l’histoire de sa famille. Et
plus ça va, plus elle acquiert un style qui n’appartient qu’à elle. C’est surtout le cas de celui-ci, qui est son dernier. Sincèrement, au début, j’ai failli abandonner. Mais comme c’est le Nôm qui me l’a offert, et que je mesure l’effort qu’il a dû faire pour trouver un livre qu’il pensait que j’aimerais, je me suis accrochée. La lecture est très déroutante. La même phrase y est répétée vingt fois de suite, de façon légèrement différente… C’est lancinant, cela fait presque mal à lire. Mais d’un coup, au détour d’une page, l’émotion est là et vous met une grande claque dans la gueule. Un livre qui se mérite.
Listez cinq livres qui comptent beaucoup pour vous ou que vous avez beaucoup apprécié.
Cinq livres, hum ! difficile… Je vais faire comme beaucoup, je vais tricher.
Il n’y a pas d’ordre d’importance. Pas même un d’entrée dans ma vie. Je les nomme comme ils me viennent.
Texaco, de Patrick Chamoiseau. C’était le troisième roman que je lisais de cet auteur martiniquais que m’a fait découvrir le géniteur de Lou avec Chronique des sept misères. Celui-ci, je l’avais adoré : la vie des petites gens de Fort de France. Puis j’ai lu Solibo magnifique, une fable belle et amusante sur la mort de la culture orale antillaise. Et enfin Texaco est un roman fabuleux, grouillant, riche, émouvant. La voix d’un peuple.
Personnellement, ce livre m’a permis un beau coup. Une fois lu, je n’ai eu de cesse de clamer dans la rédaction où je travaillais à l’époque que celui-là, il fallait en parler, qu’on ne pouvait pas passer à côté, que c’était important. J’étais si
enthousiaste que ma rédactrice en chef a été convaincue et qu’elle mandata, pour interviewer l’auteur, deux journaliste : un chevronné et moi, qui l’était moins, mais qui connaissait le Chamoiseau sur le bout des doigts. Préparée, je l’étais et j’ai briefé mon collègue comme il ne l’avait peut-être jamais été. Mon enthousiasme l’amusait beaucoup. Nous avons fait une belle interview et nous l’avons publié quinze jours avant que Chamoiseau reçoive le prix Goncourt… Fière j’étais. Cela m’a permis d’obtenir la rubrique livre de ce journal quelques mois plus tard…
J’ai eu d’autres occasions de rencontrer l’Oiseau de Cham. Notamment à l’occasion de la sortie de Chemin d’école, une interview pour Le Monde de l’éducation.
Ficciones, de Jorge Luis Borges. En espagnol, oui. Je l’ai découvert lors de mon année de licence d’espagnol. Une grande rencontre, grâce à une professeur argentine d’une sévérité sans égale, mais qui a su me faire aimer ce très grand bonhomme de la littérature mondiale. J’aime Borges parce que c’est un érudit époustouflant et un homme qui prend la vie avec élégance et autodérision. Un aveugle qui continua à écrire. Qui construisait ses nouvelles dans sa tête avant de les dicter à sa mère. Un rat de bibliothèque (il était bibliothécaire de la nationale) qui construisit des nouvelles incroyables sur ses thèmes de prédilections : la mémoire (on comprend pourquoi), le labyrinthe, la bibliothèque, le rêve… Ficciones est pour moi le recueil de nouvelles le plus fort et le plus abouti.
Alice au pays du langage, de Marina Yaguello. La linguistique m’a toujours intéressée. Savoir comment vit, évolue, meurt une langue, c’est quelque chose de passionnant. Marina Yaguello apporte à cet univers une note de féminisme qui permet également de rappeler des vérités premières. Et qui m’a toujours conforté dans le fait qu’il fallait donner des féminins à la plupart des termes caractérisant les humains, que c’était une logique de notre langue qui sinon aurait inventé un genre neutre. Ce qui n’est pas le cas. D’ailleurs, depuis le temps que les réactionnaires de la langue essaient de transformer le genre masculin en neutre, si le francais avait eu cette tendance-là, cela ferait belle lurette qu’ils auraient emporté le morceau. Mais notre langue fait de la résistance. Et c’est tant mieux.
L’Invitée, de Simone de Beauvoir. Oui, Beauvoir a compté pour moi. Ce roman fut le premier de ses ouvrages que je lus. Il a été initiatique d’une certaine manière, car il m’a permis de me rendre compte qu’il existait d’autres façon de vivre que celle que je connaissais dans ma famille.
Et puis cette femme, brillante, me fascinait. Je ne sais pas si j’aurais aimé la connaître, la fréquenter, elle ne semblait pas très indulgente, mais j’étais bien dans ses livres. Et puis, je trouvais le prénom d’un de ses héros, Gervais, si beau… Comprenez mon émoi quand, des années plus tard, le Nôm m’appris que son prénom caché était Gervais… J’aurais été le chercher bien loin mon héros…
Le Grand Troupeau, de Jean Giono. J’aime Giono. J’ai adoré tous ses livres. J’aime son style, plein de chaleur, d’amour. J’aime ses images, ses constructions. J’aime ce travail sur la langue, qui ne se sent pas. Il ne se la pète pas Giono. Et puis j’aime ses personnages, plein d’humanité malgré tout. J’aime ses titres, si poétique et parfois une peu hermétiques. Il faut lire L’Iris de Suze pour en comprendre le titre et ne pas sauter la petite phrase où tout s’explique… Le plus dur aura été de choisir un ouvrage parmi la vingtaine que je possède. J’ai pris celui-ci, parce qu’il est moins connu que d’autres, parce qu’il raconte terriblement et magnifiquement la grande boucherie que fut la guerre de 14. Il fut sans doute le premier livre qui me permis de comprendre cette horreur autrement que par des chiffres qui ne nous disent rien et des pages d’histoire qui nous laissent froid.
Beloved, de Toni Morrison. Prix Pulitzer d’où fut tiré un film qui ne rend pas du tout hommage à ce roman d’une très grande dame de la littérature américaine, prix Nobel de littérature. Je crois que c’est le seul livre – et j’en ai lu – qui a réussi à me faire toucher du doigt ce que pouvait être l’abomination d’être un esclave, y compris lorsqu’on appartenait à un bon maître.
On ne peut pas ressentir ce qu’ont vécu ces hommes et ces femmes. On est intellectuellement compréhensif, mais, et c’est la limite de l’intelligence, nous ne pouvons pas ressentir cette humiliation, cette douleur, ce malheur absolu (mais hélas pas unique dans l’histoire de l’humanité) que fut l’esclavage. Ce roman, d’une certaine façon, marque suffisamment nos esprits pour le ressentir de manière infime dans nos chairs. Et ce n’est pas le plus mince de ses exploits.
L’histoire est forte et allie une part de fantastique que l’on trouve plus habituellement dans la littérature sud américaine. Et puis il y a une musique qu’on ne trouve que dans ces romans, quelque chose qui tient du jazz, de la soul, de blues… De Toni Morrison, je citerai encore Sula, Jazz, Le Chant de Salomon, L’Œil le plus bleu (celui-là aussi, quelle violence et quel souffle !).
Le dernier, Dalva, de Jim Harrison. En fait, le livre que je préfère d’Harrison n’est pas Dalva, mais plutôt Nord Mishigan, ou Sorcier. Mais Dalva est le premier (d’une très longue série) de romans ou de nouvelles de ce mec que j’ai aimé et que j’aime encore.
Chacun des livres de Jim Harrison est pour moi un pur moment de bonheur. Désenchantement, autodérision, amour de la bonne chair et de la vie, même quand celle-ci se fait vache. Harrison n’est dupe de rien, surtout pas de son pays, de sa culture, de lui-même. Et puis il aime les femmes. J’aurais adoré être aimée par un bonhomme comme ça.
A qui voulez-vous passer le relais et pourquoi ?
Heu je vais réfléchir. Je reposterai pour le dire.Je suis au boulot et je n’ai pas tous mes liens ici…
Repost de 23 h 53
Alors je choisis
Anitta, parce que j’aime bien ce qu’elle écrit et que je me demande si j’aimerais bien ce qu’elle lit (j’ai pas encore lu les Fante, j’attends d’en avoir fini avec Mr Potter, pas Harry, l’autre, voir plus haut).
Et puis Thomas qui s’en fout, parce que c’est un confrère, qu’il a trouvé triste ma façon de choisir mes livres, du coup, j’aimerais qu’il en dise plus sur sa façon à lui, et puis que j’aime bien son pseudo. On est les rois des pseudo dans la presse (enfin pas moi, mais ça me regarde…).
Eor parce que j’aimerais bien savoir ce que ça lit un marin au long cours quand il a le temps de lire… J’ai cité cinq blogs dans ce billet, cinq blogs dont je vous recommande chaudement la lecture…
Parlons bouquins