Cette année-là, je suis partie en Guadeloupe avec Lou, mais sans son père qui avait préféré rester à Paris. Je ne sais plus trop combien de temps nous sommes restées. Probablement un bon mois. Il y avait le carnaval à suivre et, surtout, l’événement de l’année 1998 : une éclipse totale du soleil.
J’adore les éclipses. Je rêvais d’en voir. Au lycée, lors d’une visite au Planétarium, j’avais enregistré les différentes éclipses à venir visible depuis la France. Encore aujourd’hui, si j’en avais les moyens, je parcourrais le monde pour assister de nouveau à pareil événement.
Là, c’était vraiment une aubaine. J’avais étudié attentivement les données pour savoir où elle serait la plus visible et le plus longtemps et à quelle heure. La famille du Nom était plutôt indifférente, comme si elle ne se rendait pas vraiment compte ce qui allait se produire. Pourtant la Guadeloupe était prête : des t-shirts étaient en vente, des lieux avaient été aménagés pour mieux voir le phénomène. Il me semble bien, aussi, que des billets avaient été mis en vente dans les places les plus courue.
Nous, nous avons décidé de nous rendre à Port-Louis. C’était dans le nord Grande Terre, en effet, que l’éclipse devait durer le plus longtemps : trois minutes. J’ai réussi à convaincre ma belle sœur et son petit ami de l’époque de nous accompagner, Lou et moi. Je m’étais procuré des lunettes pour tout le monde. Le jour-dit, le matin du 26 février 1998, nous avons pris la voiture pour pique-niquer au bord de la mer.
Comme à mon habitude, j’ai évité la plage du bourg (qui promettait d’être noire de monde), pour dépasser le cimetière et prendre le chemin entre mer et mangrove. Des carbets proposent une table, deux bancs, une toiture qui abrite du soleil et les piliers qui la soutiennent permettent d’accrocher un hamac. Mais nous n’étions pas partis assez tôt, les carbets étaient tous occupés. Nous avons cependant déniché un endroit tranquille où nous avons pu nous installer.
Ma belle sœur et son ami sont partis très vite à la recherche de crabes. Pas dans l’eau, en Guadeloupe, ce sont des crabes de terre que l’on mange. On repère leurs trous dans le sable, on les noie (les trous) et on capture les crabes quand ils s’échappent. Une fois de retour à la maison, on les place dans des cages dans le jardin et on les nourrit de bonnes choses (canne à sucre, piment…) pour qu’ils dégorgent la vase et tout le reste. Ensuite, on les mange. Matété a crab ke rend nou solid konsa…
Le petit ami a allumé un petit feu sur lequel nous avons fait cuire des cuisses de poulets marinées. Nous les avons dégustées avec salade de concombre et de tomates.
L’éclipse était attendue en début d’après-midi. Elle fut à l’heure. C’est sans doute ce qui a le plus étonné une partie des locaux. Certains ont témoigné dans France Antilles qu’ils avaient loupé le phénomène parce qu’ils ne pensaient pas qu’il adviendrait à l’heure pile. Pourtant, à 14 h 30, la lumière a commencé à baisser, tout doucement. Les oiseaux se sont tu. La nuit est tombée. Et la température a perdu plusieurs degrés.
Le disque noir de la Lune recouvrait le soleil, ne laissant passer qu’un halo lumineux. J’ai pris de nombreuses photos (qu’il faudrait que je scanne un jour). Ma belle-sœur dansait sur le sable en criant « extraordinaire, extraordinaire ». Lou se tenait à côté de moi, regardant le phénomène les lunettes dûment posées sur son petit nez. Elle se tourna vers moi et me demanda
– Maman, c’est quoi ce qui est extraordinaire ?
A 3 ans, beaucoup de choses arrivent pour la première fois. La nouveauté est courante. Que la nuit tombe en plein jour n’a rien de vraiment étonnant. Pas plus que la découverte des poissons dans la mer, des malfinis dans le ciel, des pélicans en train de pêcher… Toutes les choses qu’elle découvrait depuis notre arrivée.
Je luis ai donc expliqué le phénomène et surtout, son côté exceptionnel. Et pourquoi nous avions la chance de voir cela.
Elle intégra les informations d’un air grave.
Pendant plusieurs semaines, les soleils qu’elle dessinait étaient noirs.
J’ai gardé le cahier avec tous ses dessins.
Pour ne plus, jamais plus, vous parler de la pluie,
Plus jamais du ciel lourd, jamais des matins gris,
Je suis sortie des brumes et je me suis enfuie,
Sous des ciels plus légers, pays de paradis,
Oh, que j’aurais voulu vous ramener ce soir,
Des mers en furie, des musiques barbares,
Des chants heureux, des rires qui résonnent bizarres,
Et vous feraient le bruit d’un heureux tintamarre,
Des coquillages blancs et des cailloux salés,
Qui roulent sous les vagues, mille fois ramenés,
Des soleils éclatants, des soleils éclatés,
Dont le feu brûlerait d’éternels étés,
Mais j’ai tout essayé,
J’ai fait semblant de croire,
Et je reviens de loin,
Et le soleil est noir,
Ceci est ma participation au calendrier En Avent les blogopotes, une idée d’Anne, du Blogallet : faire un post sur un thème qu’elle donne et qui change tous les jours.. Aujourd’hui, c’était… Noir
Bel épisode!
Est-ce la même éclipse qu’en métropole en…?
Sans doute pas. Mais j’ai souvenir d’une éclipse alors que nous étions en vacances.
Il n’y avait pas de crabes.
Non, celle en Métropole a eu lieu en 1999. J’avais emmené ma petite famille à Dieppe pour la voir, parce qu’à Paris, elle n’était pas totale. J’avais pris un jour de congé exprès. Quand nous sommes arrivés, il faisait gris. Et puis le ciel s’est découvert juste au moment de l’éclipse. Nous avons eu de la chance