J’ai de nombreux livres de cuisine. Et quelques revue aussi : 180 °C que j’adore et C’est meilleur quand c’est bon que j’ai découvert grâce à Instagram en suivant Emmanuelle Jarry qui va tester de très nombreux restaurant (en précisant à chaque fois les prix). Bref, j’accumule sur mes étagères une littérature culinaire tout à fait correcte.

Mais je m’en sers assez peu. En fait je les feuillette, je les lis, je m’en inspire, mais en cuisine, j’improvise parce qu’évidemment, je n’ai jamais les bons ingrédients. Comme je le disais à ma sœur, je cuisine à l’odeur.

Un des livres que je préfère est un des rares qui est resté longtemps dans ma cuisine. Ça se voit à sa couverture qui est couverte d’une petite couche de gras. Ça s’appelle Antilles et Guyane à travers leur cuisine du Dr André Nègre. Le livre a été écrit dans les années soixante et réédité plusieurs fois. Mon exemplaire date de 1992, je l’ai acheté cette année-là à Pointe-à-Pitre.

Bouquin

Si on y trouve quelque 300 recettes, c’est vraiment un livre de littérature culinaire. L’homme raconte les ingrédients, les mets, la culture, les habitudes. Ça se lit gentiment et agréablement. En plus, pour chaque plat, l’auteur propose une sélection de vins, ce qui est très rare dans les livre de cuisine antillaise, le vin n’étant évidemment pas une tradition locale. « Celui qui a fait le rhum est un homme intelligent / Celui qui a fait le vin est un homme insignifiant », chante-t-on dans les chanté nwel.

C’est typiquement un livre des années soixante. On y trouve des propositions de recette qui seraient impensables aujourd’hui : perroquet en fricassée, caïman fumé sur canapé, singe en sausse chasseur. Mais la majorité des recettes sont encore tout à fait réalisables.

Il y en a une que j’apprécie (et que j’ai réalisée plusieurs fois), c’est celle des dombrés. En général, je les fais avec des crevettes (ou des gambas. J’adorerais en faire avec des ouassous qui sont de grosses écrevisses antillaises). Les dombrés ce sont des boules de pâtes. On peut aussi les cuisiner avec du porc, des crabes, etc. Mais la recette de base est la même. C’est un peu de boulot, mais le résultat est très bon.

Je vous résume la recette du Dr Nègre.

L’orthographe des dombrés peut varier. Certains disent « dombrés » d’autres « domboués » (la difficulté que les Créoles éprouvent à prononcer les « r » fait souvent que cette consonne se transforme en diphtongue « ou ») ; d’autres prononcent encore « dongués » et c’est peut-être ce qui est le plus logique, dongué
voulant dire en créole, d’après Labrousse, « morceau » or les dombrés sont des morceaux de pâte…

Bwef ! Commencez par faire les dombrés, c’est ce qui prend le plus de temps.

C’est à peu près la recette des pâtes fraîches, pour 8 personnes :
300 g. de farine de froment (une farine de blé classique fonctionne aussi), un peu d’eau, 1 piment très finement haché (si vous n’aimez pas que ça pique, prenez du piment végétarien, totalement inoffensif qui donnera le goût sans la force), 3 jaunes d’œufs et 3 œufs entiers, une pincée de sel.

Mettez la farine sur un marbre ; creusez un puits au milieu. Dans ce puits, placez les jaunes d’œufs et les œufs entiers, le sel, le piment et l’eau ; pétrissez bien le tout et ajoutez 150 g de beurre quand c’est bien homogène. Travaillez encore la pâte pour bien mélanger le beurre. Faites finalement une boule du tout et vous laissez reposer sous un linge pendant plusieurs heures.

Vous faites roussir dans une cocotte les crevettes (ou gambas) dans 100 cc d’huile, 10 cives ou oignons pays (ciboulette si vous n’avez pas) oignons, épices (clous de girofle, bois dinde et autres bouquets garnis), quelques morceaux de lard ou de porc salé (100 g environ), sans oublier la queue de cochon indispensable dans toute préparation de dombrés (et dans la majorité des recettes antillaises). Cette queue de cochon, on la trouve en saumure dans tous les magasins qui vendent des produits exotiques. . .

Après une bonne coloration, versez de l’eau jusqu’à ce que les crevettes soient bien couvertes, ajoutez 2 boîtes de concentré de tomates et ajoutez 150 g de lentilles ou de haricots rouges. Moi je n’aime pas les haricots rouges, donc j’utilise forcément des lentilles. Ou des pois d’angole qu’on appelle en Guadeloupe des pois de bois (ce sont des pois qui poussent sur des arbres). On les trouve frais à la période de Noël (on les appelle aussi les pois de noël). Mais sec, c’est très bon aussi.

Faites mijoter à petit feu jusqu’à ce que vos lentilles soient presque cuites.

A ce stade, l’odeur commence à se répandre et à donner faim.

A ce moment de la cuisson, formez des petites boules (taille de gnocchi…). Mettez ces boulettes à bouillir doucement pendant quinze minutes dans la cocotte où se trouvent les crevettes, ce qui, en même temps, achève de cuire les lentilles qui les entourent. Il ne reste plus qu’à porter sur table; accompagné d’un bon vin rouge du genre beaujolais ou Côtes du Rhône. Un blanc sec est aussi buvable.

Et je vous promet qu’au moment de déguster, vous aurez le goût et l’odeur (mais pas le bruit des marteaux piqueur).

Ceci, vous l’aurez deviné, est ma participation au calendrier En Avent les blogopotes, une idée d’Anne, du blogallet : faire un post sur un thème qu’elle donne et qui change tous les jours.. Aujourd’hui, c’était… Odeur.