La première fois que j’ai entendu ce nom, il ne s’agissait pas de Robert. J’étais au lycée, j’entamais mon année de terminale.
C’était notre première heure de philosophie, un moment assez solennel pour notre groupe. Une jeune femme blonde est entré dans la salle, a installé ses petites affaires au bureau en nous disant bonjour.
Puis, elle a pris une craie
– Première chose, je m’appelle Elisabeth Badinter, a-t-elle dit en écrivant son nom en lettres capitales ainsi que son numéro de téléphone. Et se retournant vers nous, elle ajouta : « Deuxième chose : je suis un tyran. »
Et elle le fut, Mais ce fut aussi la meilleure de tous les enseignants que j’ai eus (et j’en ai eus des bons).
En janvier, elle s’absenta quelques temps. J’appris par mes camarades que c’était pour aller à Troyes, au procès d’un dénommé Patrick Henri qui était défendu par Robert Badinter, son mari.
Je n’en avais jamais entendu parlé auparavant. Mais je vous jure que je suivis le procès tous les soirs au journal de 20 heures.
Ce combat devint le mien. Je me suis rêvée avocate. Après le bac, je me suis inscrite en droit et parce que le Pr Léautey – qui travaillait avec Badinter – enseignait à Assas, c’est dans cette fac que je me suis inscrite. Ce qui fut une erreur. J’ai lâché le droit au bout de deux ans.
Quelques années plus tard, étudiante toujours, je travaillais au parti socialiste, rue de Solférino. En septembre 1981, j’ai demandé à pouvoir assister au discours de Robert Badinter, alors Garde des Sceaux, à l’Assemblée nationale.
J’étais donc là (j’y ai d’ailleurs croisé Elisabeth Badinter qui a eu la gentillesse de me reconnaître), quand il a prononcé ces mots :
« Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, j’ai l’honneur, au nom du Gouvernement de la République, de demander à l’Assemblée nationale l’abolition de la peine de mort en
France. »
J’ai un respect immense et un amour profond pour cet homme, pour cette femme. Ils sont, pour moi, ce que devrais être la France.
Évidemment, aujourd’hui, je suis devant mon poste de télévision pour accompagner, au moins par la pensée, le cénotaphe de Robert Badinter au Panthéon et suivre la cérémonie.