Mardi soir, 12 décembre, j’avais rendez-vous avec Kozlika et une éminente représentante des Fûûmantes roses pour aller écouter le récital de Dame Felicity Lott (critique à lire), au théâtre du Châtelet.
Nous nous étions donné rendez-vous au Sarah Bernhardt où nous décidâmes de manger en vitesse un croque-madame, pas mauvais il faut bien le reconnaître. Le serveur était un peu lent à se faire payer, j’ai égaré, en même temps, mon ipod et mon téléphone portable, d’où un moment d’angoisse terrible rompue grâce à Fûûlion qui m’appela sur son propre téléphone.
C’est dire que nous avons traversé au pas de course la place pour rejoindre, dans le théâtre, le jeune Palpatine qui commençait à trouver le temps long. Nous n’avons pas traîné, avons rejoint nos sièges sans prendre la peine de nous munir d’un programme. Nous étions quasi les seules. Tout le monde avait son livret soigneusement ouvert à la bonne page : attention, interro écrite dans quelques minutes.
La lumière a décru, mais pas au point de s’éteindre. Ce qui m’a tout d’abord surpris. Mais je compris que c’était pour mieux permettre aux spectateurs de suivre les paroles… Curieuses mœurs. Outre que je profite mieux de la musique quand je suis dans le noir, je suis totalement incapable de lire et d’écouter en même temps car soi je comprends ce que je lis, soi je profite de ce que j’écoute. En plus, je n’en vois vraiment pas l’intérêt. Je venais à ce récital pour écouter Felicity Lott et son pianiste, pas pour bouquiner.
La dame arriva, souveraine dans une magnifique robe bleu couleur de ciel brodée de pierreries et étole assortie. Une reine, d’une grande élégance (je ne parle ni de la famille d’Angleterre, ni des contes de fées revus et corrigés par Barbie ou Disney). Une diva jusqu’au bout de ses chaussures adorables… Tonnerre d’applaudissements, silence, premier chant. Malher.
D’habitude, j’apprécie beaucoup Gustav Mahler, ses lieds emprunt de tristesse et de douceurs. Mais là, j’avais décidément du mal à m’habituer à cet éclairage entre deux eaux et la langue allemande m’écorchait les oreilles. A la fin du poème, nous fûmes quelques-uns, pas beaucoup, à commencer à applaudir, immédiatement rabroués par des chutttt vengeurs et agressifs des habitués, dont mes voisins de gauche, un couple aux cheveux blancs, portant livret sur les genoux et lorgnons sur le nez…
Bon, on n’applaudit pas. Autant à l’opéra, c’est quelque chose que je peux comprendre parce que cela risque de déconcentrer le chanteur, autant, dans un récital, entre deux morceaux… Mais bon, je décidai de me plier aux coutumes locales et d’attendre les applaudissements des autres pour démarrer les miens, voire de ne plus applaudir du tout.
Toute la première partie du tour de chant (oui, je sais, le terme n’est pas approprié, surtout à cette première partie, mais je ne peux pas répéter cent cinquante fois le mot récital, tout de même. Et puis cela reste un tour de chant), était en allemand.
Outre Mahler dont elle interpréta Ich atmet’ einen linden Duft / Liebst du um Schönheit / Blicke mir nicht in die Lieder / Ich bin der Welt abhanden gekommen. Il y eu également Schumann (Widmung / Aus den östlichen Rosen / Liebeslied / Philine) et Wolf (Frühling übers Jahr / Anakreons Grab / Mignon III / Kennst du das Land ?).
Un peu rétive au début donc, j’entrais peu à peu dans cet univers d’une très grande pureté. Un moment de zénitude totale. Au fur et à mesure, la magie gagne, on se détend, on se cale confortablement dans son fauteuil et l’on écoute à pleines oreilles. En veillant toutefois à ne pas se détendre au point de s’endormir…
J’avais sorti l’appareil photo, mais je n’ai pas osé m’en servir, les messages interdisant leur utilisation avaient été lancés et répétés, je ne tenais pas à me faire sortir en début de ce concert merveilleux. Je regrette de n’avoir pu saisir la diva dans sa robe bleu azur.
Felicity Lott chantait, les spectateurs lisaient, applaudissaient parfois. La diva sortait, suivie de son pianiste et de la jeune femme qui tournait les pages des partitions, plus empruntée et gauche qu’il n’est permis, ne sachant si elle devait elle aussi se lever et sortir, le faisant à contretemps et visiblement sur les injonctions de personnes en coulisse. Une novice sans doute comme moi et dans cet univers si policé et convenu, entre soi, elle me paru vraiment sympathique.
A la fin de la première partie, comme je m’interrogeais sur le compositeur des derniers morceaux, vraiment magnifiques, je me tournait vers Mme Cheveux Blancs à ma droite pour lui poser la question. Elle me mis son programme dans les mains (c’était sans doute tellement plus fatigant de me répondre) et me glissa :
– Vous n’avez pas le programme. Comme c’est dommage. Vous avez tout raté.
Ce a quoi je répondis que n’étant pas germanophone (et sur le coup je me dis qu’on ne disais sans doute pas comme ça mais c’est le seul mot qui me vint à l’esprit), cela n’aurait sans doute rien changé. Je suis venue pour écouter, moi madame, pas pour lire du Goethe… Puis, ayant lu le nom de tous les compositeur, je lui ai rendu son programme avec un grand merci.
La deuxième partie était entièrement consacrée au répertoire français, principalement de la première moitié du XXe siècle. Avec de nombreux morceaux créés par Yvonne Printemps (Duparc, Debussy, Coward) et quelques magnifiques poèmes de Baudelaire (Godard, Sauguet). L’ambiance a clairement basculé. Romantique, avec Baudelaire, coquette et coquine dans les extraits de Noël Coward, elle donna en partage son très grand métier et un talent certain pour la comédie et l’interprétation.
Nous avons souri, ri même, et certains osèrent passer outre les puristes pour applaudir celle qui se montrait si généreuse avec son public. Ce qui eut l’air de gêner beaucoup plus une partie de la salle que la Diva…
Bref, ce fut un magnifique moment, plein de bonheur et d’allégresse, léger comme une bulle de champagne, offert par une femme en tout point exquise…
Et si je n’ai pas pu prendre de photos, hormis quelques clichés au moment du salut, j’ai filmé toute la deuxième partie. Les images (essentiellement les mains de Fûülion, mon pull et une colonne) sont évidemment à jeter, mais le son est là. Guère parfait, bien sûr. Un appareil photo ne fait pas de miracle et de toute façon je n’ai pas l’intention de pirater ce concert. Mais juste ce qu’il faut pour en garder un beau souvenir…
(Par contre, ce n’est pas à dispo pour le moment car cela demande un peu de boulot… Mais ça viendra sans doute.)
1. Le jeudi 14 décembre 2006, 18:29 par Erin
Ca donne envie…
2. Le vendredi 15 décembre 2006, 11:06 par avanaé
J’adore ta description des moments de pur bonheur musicaux, et en même temps, j’étais pétée de rire à l’évocation de la dame coincée qui n’a rien raté elle, car elle avait le programme !!! Mdr !
3. Le vendredi 15 décembre 2006, 13:09 par Fauvette
Oui cela fait vraiment envie.
Bonne journée.
4. Le samedi 16 décembre 2006, 07:14 par Marc
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