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Hier soir, j’avais rendez-vous avec ma mère et Vroumette devant l’opéra de la Bastille pour aller voir et écouter la grande Natalie Dessay dans son rôle fétiche Lucia di Lammermoor. Ce n’est pas pour rien que nous sommes membres du Koz’ Fan addict club, puisqu’il s’agit de son « opéra préféré avec ma chanteuse en activité préférée ». Et franchement, malgré certains aspects, nous n’avons pas été déçues.

Kozlika ayant descendu le décor en flèche, j’étais très curieuse de découvrir le corps du délit. Eh bien je n’ai pas été déçue. Elle y a vu un sous-marin, l’ambiance est assez étouffante, il est vrai. Moi j’y ai plutôt vu un univers de caserne. Un grand mur en arc de cercle, une galerie supérieure quasiment toujours occupée par des personnages en noir dont on se demande ce qu’ils foutent là. En fait, il chantent. Eh oui, le chœur ne joue pas avec les principaux interprètes. Il n’y a pas de place pour eux sur scène. Ceux qui s’agitent en bas – outre les héros – sont des acrobates, des gymnastes, des jongleurs, pas les choristes.

Donc, le rideau se lève sur la caserne. Des hommes font des exercices. Il y a deux escrimeurs sur un banc surélevé, des sacs pour la boxe qui pendent à des filins, des hommes qui luttent. Et puis au milieu de tout cela des jongleurs de couteaux et des équilibristes. La foire en plein milieu du régiment. On observe le tableau, un rien surpris, plutôt perplexe, quand entre un des personnages clés, Enrico (Ludovic Tézier) le frère de Lucia. Première scène où l’on apprend que ledit Enrico est au plus mal, que son ennemi est en train de prendre le dessus, qu’il a perdu sa mère il y a peu et que sa sœur est sans doute tombée amoureuse de son pire ennemi. Il y a des journées meilleures, c’est vrai. Malheureusement, je n’arrive pas du tout à compatir aux malheurs de cet homme, voire, je m’ennuie. Seul personnage a tirer son épingle du jeu, au niveau de la voix, c’est le chapelain (Kwangchui Youn). Pourtant, Ludovic Tezier possède lui aussi une très belle voix, mais il n’intéresse pas. Il est figé, sans émotion, froid…

On regarde cette première scène avec un certain fatalisme. Et on trouve ridicules les deux hommes (Enrico et son compagnon d’armes) qui, après avoir proférer quelques propos bien sentis sur les ennemis et les femmes, se posent l’un devant l’autre dans une attitude très virile en posant chacun sa main sur l’épaule de l’autre. Grand moment : les mecs entre eux…

Lucia di Lammermoor

Côté décor, ça ne s’arrange pas par la suite. On bouge les banc et on fait tomber une escarpolette, seule concession à univers un tant soit peu féminin… On installe des lit en acier à deux niveau au centre de la scène avant de les coller au mur. Il y a aussi des échelles métalliques qui montent et qui descendent. Des passerelles qui se déplient.

Nous sommes dans un univers qui m’a fait penser à certaines scènes des films d’animation de Miyazaki, tels que le Château dans le ciel : univers saturés, surpollués, enfermants, étouffants… mais compensés par des scènes bucoliques. Ici, rien de tel, à part des bouts de papiers de toutes les couleurs que sèment joliment les femmes de la garnison…

Lucia di Lammermoor

Les clins d’œil très appuyés ne sont pas évités. Ainsi, juste après le mariage, lorsque celui ci doit être consommé, on découvre une énorme cage qui trône en plein milieu de la scène. Au cas, sans doute, où nous n’aurions pas compris que le mariage est une prison…

Lucia di Lammermoor

Cela dit, il y a de fabuleuses images, des jeux d’ombres, des mouvements, des chorégraphies orchestrées au millimètres et qui réjouissent l’œil. Le chœur (bon) et les figurants sont parfaits. Et si on es parfois loin de comprendre tout ce qui se passe, on se laisse aller à la beauté.

Lucia di Lammermoor

Et puis, il y a elle, Natalie/Lucia. A partir du moment où elle apparaît sur scène, elle nous captive, non seulement par sa voix, magnifique, aérienne, pleine d’émotion, en tout point parfaite et qui ne force (presque) jamais (peut-être deux fois et encore) – une évidence, cette voix – mais aussi par son jeu de scène. Sur une balançoire, debout sur un lit ou sur une table, en haut d’un échafaudage, elle est toujours terriblement juste. Une grande tragédienne.

Et le metteur en scène en a profité à l’excès. Ainsi, nous avons une Natalie chantant sur un échelle, sur une balançoire, dans une motte de foin, sur une chaise, par terre dans le charbon, à califourchon sur une poutrelle en acier et faisant du toboggan pour descendre une poutrelle.

Cette dernière scène m’a laissé pantoise. J’étais en plein extase, totalement dans la magie de la scène de la folie, quand, par un sursaut du côté de mon cerveau qui analyse le visuel, j’ai été soudainement sortie de ma transe. Et je n’ai pas aimé ! J’étais furieuse d’être dérangée comme cela, en ce moment tellement extraordinaire que l’on regrette de ne pas pouvoir le réécouter sur le champs.

Lucia di Lammermoor

D’autres truc m’ont gênée. Ainsi la scène d’orgie juste après le mariage, quand les hommes culbutent les femmes dans le foin ou derrière les échafaudages. On se demande ce que ça vient faire là. Comme si toute noce devait obligatoirement se transformer en foire sexuelle. Et c’est tellement en opposition par rapport aux scènes précédentes que je me suis demandée où on était. Et puis quand l’âme damnée d’Enrico entraîne la suivante de Lucia sur la botte de foin et la viole (ou tente de la violer), j’ai trouvé cela totalement déplacé.

La deuxième chose, c’est le gouffre qu’il y a entre le livret traduit et ce que l’on voit sur scène. A lire les texte (merci le sur-titrage), on comprend qu’Enrico n’est pas qu’un infâme salaud, que le chapelain aime Lucia et souhaite son bonheur, et on ne retrouve absolument pas cela sur la scène. C’est terriblement frustrant et cela ne sert pas à la lisibilité de l’ensemble. Mais je ne crois pas que la lisibilité soit le soucis majeur de cette mise en scène (Andrei Seban).

Lucia di Lammermoor

Quant au final, avec les Lucia qui apparaissent partout, on ne sait plus du tout où on est. Je n’ai pas vu la fin. Je veux dire que, normalement, quand une œuvre de ce type-là se termine, on le sait. Pas besoin que les lumières se rallume. Là, je suis restée deux secondes à attendre, je n’avais pas compris que nous étions arrivé au terme de l’œuvre. Parce que, une fois de plus, avec ces trois ou quatre Lucia, la scène finale est compliquée à loisir. Le comble revenant au passage où une des Lucia s’ensevelit sous le foin pour en ressortir toute guillerette quand son amoureux se suicide…

Sinon, j’ai beaucoup aimé l’amoureux de Lucia. Edgardo malheureux, impeccablement chanté par Matthew Polenzani qui arrive à faire oublier sa bedaine naissante et à presque nous faire croire à son rôle de jeune premier.

Lucia di Lammermoor

Il est vibrant de désespoir lorsqu’il il repense à la trahison de sa bienaimée et quand il apprend sa mort. Il est touchant, tendre, injuste, colérique et toujours dans la note. Sa voix exprime avec beauté des sentiments tellement contradictoires. Un bonheur d’oreille.

Lucia di Lammermoor

J’attendais bien sûr l’air de la folie, puisque j’en avais tant entendu parler. Je n’ai pas été déçue. Natalie Dessay, malgré ses acrobatie (physique, pas vocale pour le coup) est envoûtante. On est déchiré de voir cette petite adolescente livrée en pâture aux hommes. J’ai du mal à en parler tant j’ai été subjuguée par cette voix, ce jeu, cette présence, cette histoire, ce désespoir. La seule chose dont je peux attester, c’est qu’au baissé de rideau, j’étais littéralement en larmes. Et je ressentais un profond chagrin. D’en reparler, j’ai une boule au fond de la gorge.

Tout va crescendo. Elle erre sur la scène, se lave du sang qui la recouvre et peu à peu part en vrille sous le regard atterré des hommes qui l’ont perdue. Et quand le rideau baisse sur une Lucia devenue folle de douleur, on es mentalement à genoux devant tant de douleur et de beauté…

Lucia di Lammermoor
  1. Voilà, malgré le décor et certains côtés obscurs de la mise en scène, j’ai passé une soirée merveilleuse. Et vue l’assistance qui applaudissait debout, je ne fus pas la seule. Du coup, Vroumette, maman et moi avons été arroser cela en fin de représentation.

    Si vous cliquez sur les photos, vous pourrez voir toute la série sur mon compte Flickr (elles ne sont pas terribles, j’ai eu cette fois-ci su mal à régler mon appareil photo). Demain, une petite surprise pour les fans

  1. Le dimanche 8 octobre 2006, 10:08 par luciole

    Eh oui, quand le metteur en scène se soucie davantage de lui que de l’œuvre, on sombre assez facilement dans le n’importe quoi… Les mises en scène d’opéra se compliquent souvent quand elles cherchent à sortir des sentiers battus. Pour le peu que j’en ai vu, quand les chanteurs sont excellents, la mise en scène devient presque superflue, quand ils sont moins bon, elle devient souvent superfloue ;-)).

    2. Le dimanche 8 octobre 2006, 10:17 par Franck

    Et bien ce n’est pas du tout ce que j’attends (ou ce que je crois attendre) de l’opéra. J’ai bien fait, je crois, de ne pas y être allé. J’étais à mille lieues de penser qu’on pouvait dénaturer une de cette façon ! Dommage.

    J’espère que le prochain où j’irai sera  »classique » ;-)

    3. Le dimanche 8 octobre 2006, 13:03 par Akynou/racontars

    Franck : c’est souvent le soucis avec ce genre de billet, on fait mieux passer le négatif que le positif. Mais la prestation de Natalie Dessay et de Matthew Polenzani valent très largement le déplacement. Elle est inoubliable dans ce rôle.

    Mais c’est vrai que cette mise en scène est déconcertante voire déconcentrant…

    4. Le dimanche 8 octobre 2006, 16:47 par Aude Dite Orium

    Je suis dégoutée! J’avais renvoyé une carte à Léone, et choisi un autre service pour celle de Garance. Rien n’y fait, Zut, pourtant je ne les avais pas oublié mes deux chéries. La prochaine fois, je choisirai le bon vieux courrier et, ou, peut être aussi la note officielle sur mon blog. D’ailleurs je vais peut être faire ca pour leur dire qd même que je ne les oublie pas. gros bisous!

    5. Le lundi 9 octobre 2006, 19:02 par Kozlika

    Aaaaah, chouette un moment tranquille pour me lire les trois billets à la suite. (Bouge pas, je reviens ;))

    6. Le jeudi 12 octobre 2006, 23:13 par Vroumette

    Vi, vi Franck, Akynou a tout à fait raison. C’est vrai qu’on a tendance à s’appesantir sur ce qui ne nous a pas plu, mais le duo Natalie et son chéri vaut mille fois d’aller voir cet opéra. Je comprends ô combien Koz soit fan de natalie, elle est envoutante.