Suite du voyage en Guadeloupe, de février dernier

Ce vendredi-là, nous nous sommes réveillées assez tard. L’excursion de la veille nous avait épuisées. Je n’aspirais qu’à une chose : me prélasser au lit. Mais entourée comme je l’étais de mes deux filles, ce n’était pas si simple.

Sur la terrasse, il faisait bon. Pas encore trop chaud. Même si la journée s’annonçait radieuse. Nous primes notre petit-déjeuner toutes ensemble en discutant du programme qui nous attendait. Rien de stressant, sauf pour moi qui devais commencer à envisager les bagages. Nous prenions l’avion le lundi suivant.

Pendant que les filles débarrassaient la table, je commençais à faire le tri dans nos affaires. Déjà, je pouvais ranger tout ce qui était sale. Échaudée par mes expériences précédentes, je m’étais refusée à faire des lessives et avais apporté du linge en conséquence. Et puis les vêtements sales sont parfaits pour entourer tout ce qui est fragile : bocaux donnés par Rosélie, moutarde créoles réclamées par le Nôm, achats divers.

Au bout d’une heure, j’en ai eu marre et je décidai de changer d’activité. Finir le costume de Lou pour le dimanche suivant me parut tout à fait urgent. La coiffe était faite. Me restait le pagne en tissu rouge, la cape en toile de jute (que j’avais déjà découpée, mais qu’il fallait coudre et décorer). Liliane confectionna en un tour de main la brassière rouge et un petit short de la même couleur avec le tissu qui restait (ce qui me fait penser que j’ai promis les photos du carnaval à Lina la cousine, et que je ne me suis toujours pas acquittée de ma promesse).

Nous déjeunâmes rapidement car nous devions être à 14 heures à l’école maternelle de Yasmina pour le défilé des enfants. Ma belle-mère a travaillé des années comme Atsem dans cette école. Elle y a donc ses entrées, elle y est une personnalité. Tout le monde la salue, lui demande de ses nouvelles. les regards passent alors par-dessus son épaule pour nous observer, nous, les Françaises qui venons tous les deux ans en visite. « Ça se passe bien le séjour ?
– Oui, merci.
– Et le mari, il n’est pas venu ?
La question est si rituelle que le mensonge est prêt à sortir…
– Il avait trop de travail.
Mensonge demi-réalité. Les raisons du choix de mon mari n’appartiennent qu’à lui. Et même si je crois les connaître, je ne les dévoilerai pas.

Tout le monde s’agite. Les enseignantes et leurs aides finissent de préparer les enfants. Dans la classe de Yasmina, tout le monde est en madras. Robes longues et dentelles, surmontées de lourds colliers pour les filles. Chemisettes et canotiers pour les garçons. Au-dessus de leurs lèvres, on a dessiné de fines moustaches.

Intimidés par tant de monde, ils ouvrent de grands yeux noirs ou dorés. Ils sont sages comme des images. Je prends des photos, ce que m’a demandé ma belle-sœur qui travaille ne pourra être là avant 15 heures. Et puis cela m’occupe, trompe mon ennui. On s’étonne parfois du nombre de photos que je peux prendre, mais quelle meilleure contenance que celle donnée par un appareil photo.

Le défilé se forme. Les petits, si fortement encadrés qu’il est difficile de les apercevoir, puis les parents. Nous partons sur la route qui mène au bourg. Un groupe de musiciens nous accompagne. Bombe, tambours, trompette. Certains gamins commencent à s’animer. Ils ont une démarche qui sautille au rythme des tambours. D’autres restent totalement coincés et jettent autour d’eux des regards apeurés ou indifférents. Yasmina est de ceux-là. Elle se laisse traîner et ne décochera pas un sourire. A-t-elle du plaisir ?

Nous nous arrêtons au quatre-chemins.Le cortège lui continue sa route. Je n’ai pas envie de marcher sous un soleil de plomb. Les filles non plus. Nous revenons lentement vers l’école et nous abritons sous l’ombre d’un immense manguier, près des bâtiments désaffectés de l’ancienne élémentaire.

Portes et fenêtres ont été arrachées.Je jette un coup d’œil à travers ces béances. Il ne reste que les décors peints par une maîtresse artiste. Un hibiscus rouge, un coq. Mon mari a fréquenté cet endroit. Moi-même, je l’ai connu grouillant de vie. Mais les locaux étaient trop petits. Une nouvelle école a été construite, moderne, spacieuse, fonctionnelle et ma foi assez jolie. Mais ici, la nostalgie s’accroche aux murs.

Les filles ont cueilli de grosses fleurs d’hibiscus et me demande de les leur accrocher dans les cheveux. De vraies petites créoles. Nous entendons au loin le cortège revenir, la musique et les chants des enfants se rapprochent puis nous dépassent pour s’engouffrer dans l’école où la meute s’égaille. Un goûter est organisé auquel nous sommes conviées. Mais une fois mes filles désaltérées, nous filons discrètement. La journée n’est pas finie. Nous avons une visite à faire…

à suivre…

1. Le mardi 11 juillet 2006, 11:45 par andrem

Je me la posais depuis le début, la question.

Je ne me serais pas permis de te la poser à toi, quelle intrusion, mais à moi-même.

Et je m’avais répondi à moi-même qu’il avait ses raisons, et que je n’avais qu’à m’occuper de lire les excursions les baignades et les déguisements, la petite maison dans le bourg, et les grands fonds dédaliens, histoire de réchauffer mon février à moi.

Ce que je fis.

Je savais bien qu’il avait ses raisons, et que l’étrange relief des fêtes racontardées venait de ce petit bout d’ombre invisible, dans ta tête et derrière tes mots gais.