Samantdi, dans une participation au diptyque 2, Reconversion, parlait d’une enseignante qui craquait et qui quittait l’enseignement. Ce texte a suscité sur mon blog de jeu de nombreux témoignages émouvants de profs qui voudraient arrêter, qui ne peuvent plus supporter leur métier, les conditions dans lesquelles ils sont obligés de l’exercer, les pressions, leur souffrance.
Aujourd’hui, je voudrais qu’on pense à tous ceux, et ils sont nombreux, qui voudraient bien, eux, entrer dans l’éducation nationale. Mais à qui on ne le permet pas, car il faut « dégraisser le Mamouth » et que les places aux concours sont de plus en plus réduites.
Une de mes sœurs fait parie de ces enseignants serfs qui vivent dans la misère et à qui ont jette quelques os à ronger mais sur qui ont fait des économies au détriment de nos enfants.
Elle raconte sur son blog sa rentrée scolaire. Cela fait deux semaines qu’elle attend le feu vert du rectorat pour compléter le mi-temps d’une enseignante. Mi-temps qui pose problème car il impliquerait qu’elle travaille trop d’heures dans l’année. Elle pourrait passer du statut de vacataire (elle n’est payée que pour les heures de cours dispensée et ne touche donc rien pendant les vacances) à celui de contractuelle.
En attendant, les élèves n’ont pas d’enseignants et vont en études. Enfin, vont en étude, c’est un bien grand mot. Parce qu’économie oblige, le rectorat a aussi diminué le nombre de surveillants et les élèves se retrouvent à plus de cent dans une seule salle. Pas possible d’en ouvrir une autre, il n’y aurait personne pour les surveiller.
Moi, je me demande ce que foutent les parents d’élèves. Sans doute ont-ils déjà avalé le discours officiel qui dit que c’est ce qu’il y a de meilleur pour nos enfants. Ou alors ceux qui peuvent, au lieu d’ouvrir leur gueule, ce sont contenté de mettre leurs gamins dans le privé, laissant les autres, qui n’ont ni les moyens financiers ni ceux de lutter et dont ils se contrefoutent, se débattre seuls. Egalité, fraternité… mon c…
En tout cas, si vous avez envie de voir l’envers des choses dans les collèges de province, allez lire le blog de ma sœur. Et laissez-lui, à défaut de pouvoir faire autre chose, un petit mot de soutien, ça lui fera peut-être du bien.
Et moi je vais aller cuver ma rage dans mon coin…
Je craque
Suite du billet « Je craque »! du 4 septembre
Je ne craque plus, je me résigne
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La discussion continue ailleurs
- 1. Le jeudi 14 septembre 2006, 22:31 par Vie Commune
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Alixcire est la soeur d’Akynou, de Luciole et d’Audediteorium : quatre soeurs blogueuses, voilà une jolie curiosité. Akynou nous rappelle qu’Alix fait partie de ces professeurs dont le statut est très précaire : elle est vacataire….
À ce que je vois, les profs ne sont pas mieux lotis ni plus respectés en France qu’au Canada. Et pourtant, ce sont eux la base (après, normalement mais de moins en moins, les parents) de l’éducation et de la formation sociale de nos enfants, ils devraient être mis sur un piédestal et traités aux petits oignons… Personnellement, je les admire, malgré des enfants de plus en plus difficiles et des conditions parfois à la limite du supportable, la plupart tiennent le coup (et je comprends ceux qui craquent)… Mais à quel prix :-((
Il y a plusieurs blogs d’enseignant(e)s québécois qui illustrent bien les difficultés d’enseigner de nos jours (ex : les confessions d’un prof maudit, prof malgré tout, etc., des titres qui illustrent bien la réalité professorale!).
Malheureusement, le mammouth c’est toute la fonction publique. Le dégraissage ne concerne pas que l’éducation mais également la santé. Les moyens humains de l’Etat sont décidément très mal gérés…
Je suis d’accord avec toi Chondre, c’est aussi ce que dit ma sœur…
C’est un problème que je connais très (trop) bien. Pour continuer de payer mes factures, je suis passée de prof remplaçante d’histoire-géo à mcdo. Ca pique un peu certains jours, j’avoue…
Et moi qui croyais que tous nos gouvernements mettaient « l’éducation au centre de leurs préoccupations et de leurs engagements, car là se construit l’avenir de notre pays ».
C’est bien ce qu’ils nous répètent non ?
C’est de l’humour… noir… alors !(pour reprendre un autre billet de Samantdi).
LaVitaNuda : oui, ça doit être ça, de l’humour noir. A moins que ça ne soit du cynisme (toujours en référence à Samantdi :-))
Merci akynou pour ta note. Je suis allée chercher les références du livre dont je parlais. C’est Joseph (et pas Alfred comme je l’avais dit plus haut) Stieglitz : « La grande désillusion » (Fayard).
C’est vrai que quelques commentaires sur mon blog, si cela ne me mettra pas du beurre dans les épinard, me mettra un peu de soleil dans le cœur…
Dit moi Pooka, c’est quoi mcdo? Si c’est ce à quoi je pense, ce n’est pas pour m’encourager…
A propos de Stiglitz
Comme je suis un peu perfectionniste, je suis retournée voir sur le site de France culture et j’ai retrouvé la page. Voici le lien
www.radiofrance.fr/chaine…
J’ai également fait une note avec les références exactes des trois derniers livres que Stiglitz à édité. Pour l’orthographe, certain écrivent Stieglitz d’autres Stiglitz. Mais c’est le même…
Alixcire : Mcdo, c’est ce à quoi tu penses. Et je comprends que ça pique un peu Pooka certains jours
Pour le références, merci
Ben tu vois, mardi j’étais justement à ma première réunion de parents d’élèves du collège et ce qui m’a surpris c’est d’une part le peu de parents présents (sur 654 élèves dans collège, à peine 30 parents avaient fait le déplacement..), et d’autres part c’est (semble-t-il), le peu moyens d’action. Peut-être est-ce propre à ce collège, mais j’ai eu un peu la sensation que c’était les parents contre les profs et/ou la proviseur (pas pour tout bien sur, mais dans certains domaines), alors que j’aurai davantage cru que les deux entités travailleraient de concert (je crois que je suis fondamentalement utopique).
J’ai fait un petit trackback en rentrant de réunion… Ici non plus, il n’y avait pas foule, peut-être à cause de la pluie ?
La question des vacataires est honteuse. J’ai commencé en étant maître-aux, à l’époque on avait encore la possibilité d’être intégré, c’était très différent de maintenant, les temps sont durs durs pour les profs qui n’ont pas le sésame des concours, distribués de plus en plus parcimonieusement…
Vroumette : c’est pareil partout. Les gens ne s’engagent pas, il subissent. Dans les syndicats, dans les associations… On pourrait se dire que, pour les enfants, les gens pourraient se mobiliser, mais non, même pas. en fait, soit ils ont les moyens et si l’école ne leur convient pas ou plus, ils en changent, c’est l’attitude individualiste et consumériste, un summum de beaufitude bobo. Soit ils n’ont pas les moyens et ils subissent en ce disant que de toute façon, ils ne sont pas assez fort pour faire changer les choses.
Or ce n’est pas vrai, en ouvrant sa gueule, on fait bouger les choses. Et en tant que parents d’élèves, j’ai eu quelques victoires dont je ne suis pas peu fière. En tant que salariée aussi. Et que syndicaliste.
Prof contre parents, ou parent contre proviseur, etc., c’est malheureusement assez classique, mais pas général. Il y a des fois ou tout le monde travaille ensemble. Et en général, ce sont des écoles ou des collèges où tout se passe bien. J’ai de la chance d’avoir cela dans mon entourage, maternelle, primaire, collège. C’est pour cela que je suis tellement attachée à mon petit appart trop petit pour nous. Ce n’est pas pour le quartier mais pour les écoles et le bonheur de mes filles…
Samantdi, merci encore. Et c’est vrai, le statut des vacataire est une honte. Il y a pire que les intermittents du spectacle, il y a les vacataires de l’Education nationale…
Alixcire : c’est ce à quoi tu penses, la world company dans toute sa splendeur. Tu as la « chance » de travailler à peu près toute l’année (d’après ce que j’ai compris). L’année scolaire dernière, je n’ai travaillé que 2 petits mois et il faut bien payer le loyer et les croquettes du chat. Donc bon… Je continue de préparer les concours mais en travaillant (surtout ce travail là), je sais que mes chances sont maigres. Avantage de mon nouveau boulot : j’ai plus peur de rien ni de personne maintenant
Les contractuels de l’éducation nationale qui ont eu la chance d’avoir un poste pendant 3 ans pourront bénéficier d’un CDI. C’est à dire d’un contrat de droit privé au sein de la fonction publique. Pas question de les titulariser ! Par rapport au nombre de titulaires, ces contractuels représentaient l’an dernier moins de 2% des enseignants.
Autant dire une goutte d’eau.
Merci les gardiens de mammouths pour ces mesures intelligentes. Merci aux économistes sociaux de proposer une société où le travail n’est plus considéré comme structurant pour l’individu et la société mais comme ayant un coût insupportable.
@vroumette: la réalité que tu évoques (parents VS profs VS administration) est subie par les enseignants (qui ne remercient pas Claude Allègre…) J’ai remarqué que souvent elle est due aux mauvais souvenirs des parents (de mauvais élèves?) face à l’école. Si l’on en croit notre ministère, nous sommes mieux formés face à l’hétérogénéité socio-scolaire et donc l’enseignement dispensé est mieux adapté… Ce qui devrait surtout effrayer les parents à mon sens, c’est le manque de moyen matériel des établissements (rares les labos de langues, salles de TP inadaptées, bâtons dans les roues pour les voyages scolaires, classes surchargées et élistisme de moins en moins déguisé. A priori, les enseignants aiment les élèves et aiment enseigner, il ne faut pas leur demander d’aimer les parents d’élèves qui souvent ne les soutiennent pas ! (voire les méprisent!)
Je constate la même chose qu’Amazone, en tant que présidente des parents d’élèves de l’école de mes filles. Beaucoup de bonnes volontés de la part des instits, souvent de bonnes idées. Mais rarement les moyens de les mettre en place. et en plus des injonctions assez stupides.
Ainsi, et c’est un exemple que je cite souvent, dans la Vienne, une instit qui avait des CP avait développé une méthode d’enseignement tout à fait intéressante et elle avait les meilleurs résultats quant à l’apprentissage de la lecture sur son département. Elle a été inspectée et elle a reçu l’injonction suivante : votre méthode est très intéressante, nous avons constaté qu’elle a de très bons résultats, mais si vous ne faites pas le B. A BA l’an prochain, vous n’aurez plus de classe de CP. Ça, ça me fout en rogne…
Je doute malheureusement que les parents aient défendu cette instit. Voire même, je ne serai pas étonnée s’ils n’étaient pas à l’origine de la visite de l’inspecteur. Beaucoup de parents ont été contaminés par la propagande de l’actuel ministère sur le b.a ba et la reprennent à leur compte, voire l’exige. Ils entendent décider de la pédagogie qui sera donnée à leurs enfants, du nombre et de l’importance des devoirs à faire à la maison (et en règle générale, plutôt dans la perspective de leur en donner un maximum), etc. Je me dis qu’ils feraient mieux d’investir leur rôle de parents et de laisser les enseignants faire leur boulot.
J’ai toujours fait confiance d’abord aux enseignants de mes enfants. D’emblée. Il m’est arrivée d’être déçue. Mais la relation que j’ai établi avec tous les autres était exceptionnelle et c’est sans doute cela qui a fait que ces enseignants se sont par exemple défoncé pour que Garance surmonte son blocage scolaire…
Les parents qui traitent l’école comme une vulgaire marchandise m’insupportent.
« Les contractuels de l’éducation nationale qui ont eu la chance d’avoir un poste pendant 3 ans pourront bénéficier d’un CDI. C’est à dire d’un contrat de droit privé au sein de la fonction publique. »
Dis-moi, Oxygène, c’est quoi ce contrat dont tu parles? J’aimerais bien moi, en attendant d’avoir ce fichu concours…
@ Alixire: je rectifie une erreur( j’aurais dû vérifier l’info). Les contractuels qui ont fait 6 ans et non 3 ans, pourront bénéficier d’un CDI en raison d’une directive européenne.Le site suivant est intéressant pour les chiffres qu’il donne sur la précarité dans la fonction publique. EFFARANT !
www.unsa-education.org/mo…
moi j’en ai marre des profs qui imposent aux parents des voyages de classe horriblement chers dans des pays étrangers, voyages au cours desquels la langue ne sera quasiment jamais parlée…mais c’est pédagogique…qu’ils disent !! deux enfants, deux voyages en l’espace de 4 mois, coût total : 730 euros… merci les profs, vous vivez dans quel monde ?…
Le Noan. Je ne vois ps le rapport avec la choucroute. Ma sœur ne gagne même pas 730 euros par moi et ce n’est pas elle qui a les moyens d’imposer ce genre de voyage. Les généralités sont imbéciles.
Ceci posé, je comprends bien que ça soit un problème. Mais il y a un moyen autre que râler à contretemps sur un blog qui ne t’a rien fait et qui lui ne peut rien à ta situation. Ce moyen, c’est celui de dire NON au prof, calmement, posément. Et en lui disant que tu n’as pas les moyens. C’est plus dur que de ce cacher derrière un écran, mais c’est pas mal plus concernant. Et puis tu peux aussi en parler aux parents d’élèves dans le lycée ou collège où sont tes enfants. Et s’il n’y a pas de parents d’élèves, monter l’association. Ha oui, c’est plus fastidieux que de jeter son fiel sur Internet, mais crois-moi, expérience oblige, c’est beaucoup plus efficace.
Chez nous, nous nous sommes démerdé pour prendre en charge les plus démunis, demander des subventions supplémentaires pour que les parents aient le moins à payer. Nous organisons aussi des fêtes, des spectacles pour financer tout ça. Au bout du compte,ça ne revient pas trop cher.
Alors, au lieu de râler, allez, au boulot…