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Cela faisait des années que j’avais envie d’aller voir un ballet de cette chorégraphe. Vendredi soir, j’ai pu enfin réaliser ce souhait. Je ne savais pas trop ce que j’allais regarder. Je n’ai lu aucune critique, vu seulement quelques photos sur le programme du théâtre de la ville, je n’en ai pas lu le texte car au bout de deux phrases j’avais décroché.

Certains diront que les textes des publications de ce théâtre sont réservées à un public « averti ». Personnellement, quand je lis « La chorégraphe de Rosas n’a cessé, depuis lors, d’enrichir la sève d’une arborescence musicale dont la physicalité du mouvement nourrit un jeu fécond entre structures et émitions », je m’ennuie prodigieusement. Ou alors, j’éclate de rire tant les propos sont vides de sens. Ce n’est même pas beau à lire…

Heureusement, l’art est souvent bien plus accessible que les textes qui en parlent. Le ballet, d’Anne Teresa de Keersmaeker est tout simplement merveilleux.

Il se compose de trois volets. Le premier, sur un musique de Béla Bartok, ce qui m’avait fait tiquer de prime abord, car je ne suis pas fan de ce compositeur (c’est une litote). Sur scène, un quatuor à corde, un autre de jeunes filles. Pas de décor. Les danseuses sont habillées de noir. Jupe au genou, tee-shirts, socquettes grises sur godillots noirs. Et très vite, on a l’impression de retrouver une bande de gamines dans la cour du collège.

Adolescentes en bande, elles en ont la grâce, l’espièglerie, la violence aussi parfois, le côté aguicheur et coquin et, surtout, une fraîcheur et une joie de vivre qui font plaisir à voir. Lou, que j’ai emmenée, a d’ailleurs adoré cette partir-là. Le public a ri, aussi, parfois. Bonne humeur, gaieté, légèreté, danseuses magiciennes et musiciens merveilleux. J’ai trouvé que, dans ces conditions, Bartok se laissait bien regarder.

Au deuxième tableau, on retrouve le quatuor à cordes mais pour La Grande Fugue de Beethoven cette fois-ci. Sur scène, six hommes, deux femmes, tous habillés de la même façon, en costumes noirs. Pour une danse qui n’a plus rien à voir avec le volet précédent. Les corps sont projetés au sol, roulés, convulsés. Ils tombent sans cesse se relèvent pour sauter en l’air et mieux retomber. Dit comme cela, ça ne fait pas vraiment envie, mais l’ensemble est d’une grande beauté visuelle. C’est un ballet plus difficile que le premier, plus grave, plus dense, plus viril aussi.

Tout va vite, les arabesques sont si véloces qu’on ne voit plus les bras des danseurs, seulement les cercles blancs laissés par les manches de leurs chemises immaculées dépassant de leurs costumes. J’ai été frappée par la façon de danser des deux femmes, très masculines, tout en puissance. Je suis complètement dedans, n’en perd pas une miette. Mais Lou n’a pas réussi a entrer dedans. Elle décroche, s’agite à côté de moi et baille tout ce qu’elle peut. Heureusement, l’entracte la libère. Il faut dire qu’avec ses grandes jambes, elle se sent toute ratatinée dans ces fauteuils. Il manque de la place, les rangées sont trop serrées. Les théâtres ne sont pas fait pour les grandes filles…

Nous n’avons pas quitté la salle. Ma carte bleue étant cassée, je n’ai pas un sou sur moi. Alors affronter la foule qui se presse au bar pour rien, je préfère rester assise. Nous en profitons pour allonger nos jambes malmenées et faire quelques exercices de décontraction, de ceux que l’on montre dans les avions, lors de vols long-courrier. Et puis nous observons un curieux phénomène, une fumée monte dans la salle. Ce qui inquiète Lou. Elle se sent oppressée. Il faut dire qu’il fait une chaleur à mourir. Je la rassure comme je peux, en lui disant que s’il s’agissait d’un incendie, on nous aurait déjà évacué et qu’en plus, ça puerait. Pas convaincue, ma jeune fille. Heureusement, la foule remonte dans les gradins, la lumière s’éteint, le rideau se lève et là, Lou comprend que la fumée était celle répandue su scène pour le décor.

Les musiciens ont quitté la scène, il sont juste devant, dans une petite fosse protégée par une haute barrière. Et ce n’est plus un quartet, mais un sextet à cordes. Le mot fait rire Lou. Pas longtemps, les danseurs sont là. Sur la musique de Schönberg, La Nuit Transfigurée, des couples se forment et se défont pour des pas de deux absolument superbes d’émotion, de douceur, de tendresse, de complicité. « Fragments du discours amoureux » suggère le programme en reprenant Barthes et, pour une fois, je lui donne raison. Une beauté totale, sans aucune mièvrerie. Une pureté de geste, de mouvement. Le public est subjugué, muet de plaisir. Et quand tout se fige, s’arrête et que musiciens et danseurs viennent saluer, la salle explose en applaudissements.

Sous le coup de l’émotion, j’en avais presque oublié de sortir mon appareil photo. C’est vrai, c’est écrit sur les murs, c’est répété au début du spectacle, les photos et les videos sont interdites. Je respecte cette interdiction. Mais au moment du salut, je reprends ma liberté et je mitraille. Je manque de zoom, mais il me reste tout de mêmes des traces de la légèreté de ces danseurs-là, et du bonheur que nous avons partagé.

1. Le lundi 14 mai 2007, 19:37 par Shaggoo

Flute ! La programmation se terminait dimanche…

2. Le lundi 14 mai 2007, 20:10 par Bladsurb

Shaggoo, je pense que, de toute façon, c’était blindé. Prendre des places pour Keersmaeker, si tu n’es pas abonné, c’est quasiment impossible (surtout pour ces spectacles anniversaires, où les pièces étaient connues, donc sans grand risque).

3. Le lundi 14 mai 2007, 20:15 par Bladsurb

Sinon, pour le titre, c’est « Anne », et non « Anna » (je fais la faute très souvent aussi !) ; et c’est Schönberg, avec un Sch.
Tiens, pour la Nuit Transfigurée, un avis différent : imagesdedanse.over-blog.c…

4. Le lundi 14 mai 2007, 20:50 par Akynou

Shaggo, Bladsurb a raison, c’était blindé de chez blindé.
Bladsurb : arrrrgggg, pourtant je le sais. J4ai fait ça trop vite une fois de plus. J vais voir l’avis différent :-)