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On imagine toujours que les histoires idiotes n’arrivent qu’aux autres. Et puis un jour, cela vous tombe sur le coin de la figure sans que vous compreniez bien pourquoi. Ce soir-là, c’était bouclage. A l’époque, nous finissions assez tard. En plus, nous avions un pot pour fêter le départ d’un confrère. Le Nôm était donc venu me rejoindre.

Nous discutions avec quelques collègues et nous avons décidé de les inviter à la maison pour finir la discussion autour d’un bon plat de pâtes. Il était à peu près 10 heures le soir, c’était en mai, il faisait nuit quand nous sommes sortis du journal. Sur le boulevard, nous avons hésité à prendre un taxi, mais comme nous étions nombreux, nous avons opté pour le métro, c’était quelques stations, direct, jusqu’à chez nous. Nous n’aurions pas dû.

Nous nous sommes donc engouffrés dans la station quasi déserte. Nous avons composté nos billets, mais une de mes collègues, par flemme, n’a pas sorti sa carte orange et est passée avec moi. Elle n’aurait pas dû non plus.

Au détour du couloir nous attendait un contrôleur qui avait vu ma collègue passer en même temps que moi et qui nous a aussitôt intercepté. Nous étions de toute façon tous en règle, puisqu’elle avait sa carte. Mais elle a reconnu d’emblée avoir commis une infraction (être passée sans composter, si si, c’est interdit, même avec une carte orange). Elle lui a donc donné son passeport pour qu’il dresse sa contravention.
Tout aurait pu s’arrêter là.

Mais elle a refusé de payer immédiatement. Elle lui a demandé de faire envoyer l’amende à son domicile. Comme c’est son droit le plus stricte. Ça n’a pas plus au contrôleur. Il a commencé à dire des choses bizarres, à s’emporter. Je dois dire que ses propos me paraissaient vraiment obscurs, nous ne comprenions pas du tout pourquoi il était si agressif ni pourquoi il refusait de rendre son passeport à ma consœur. Nous avons parlementé un moment. Nous étions tellement étonnés que nous n’étions pas agressif, nous cherchions juste à comprendre ce qui se passait. Nous lui avons expliqué que nous étions des journalistes, que nous travaillions à côté de là, que nous voulions juste rentrer chez nous, que nous étions fatigués, qu’elle avait eu la flemme d’ouvrir son sac, qu’il n’y avait pas matière à faire un drame. Plus nous parlions, plus il était excité.
Un moment, je lui ai touché le bras en lui disant : « Mais calmez-vous, ce n’est pas grave… » Il l’a retiré comme si je l’avais brûlé en hurlant : « Ne me touchez pas, ne me touchez pas. » À ce moment-là, je me suis dit qu’il était franchement barge. Nous voulions partir, mais nous ne pouvions pas abandonner ma consœur puisqu’il détenait toujours son passeport.

Des collègues à lui son arrivés. Il les a pris à témoin de notre agression. Nous étions abasourdis. Quelle agression ? Nous demandions la restitution des papiers, nous n’avions même pas élevé la voix, lui hurlait comme un goret. Je crois que notre sidération était telle devant le déroulement des événements que nous n’avions plus aucun de nos réflexes normaux… Nous n’étions pas en colère, juste un peu inquiets. Heureusement d’ailleurs car le malade ne cherchait que ça : provoquer l’incident.

Il a commencé à s’en prendre au Nôm, faisant de gros sous-entendu d’un racisme à peine voilé, mais sans prononcer un seul mot réellement raciste. C’est là que j’ai commencé à me rendre compte de ce qui se passait. Ce mec était un provocateur, un manipulateur et il cherchait à nous pousser à bout. A ce jeu-là, c’est sûr que le Nôm était le maillon faible. Je me suis interposée et, me tournant vers mon mari (qui ne l’était pas encore), je lui ai ordonné de me laisser Lou et de rentrer à la maison pour essayer de joindre ma mère. Sur ce point, j’ai bien fait.

Pourquoi prévenir ma mère ? Parce qu’en ce temps-là, elle travaillait au ministère de l’Intérieur.

Les contrôleurs se sont passé le passeport de ma collègue de main en main. A un moment, il était à ma portée, j’ai essayé de le chiper. Ça commençait à bien faire. Je n’aurais pas dû. Les C. se sont retranchés dans la casemate du personnel de la RATP, là où on vend les billets. Nous, nous attendions toujours, prenant les gens qui passaient à témoin. Nous n’avions toujours pas le passeport. Je dois dire que R. ma collègue porte le même prénom que moi. Par la vitre de la casemate, j’observais les C. en grand conciliabule. Puis tout à coup, l’une d’entre eux a commencé à se prendre la tête, à pleurer. Les autres s’agitaient, passaient des coups de fil. Nous ne comprenions rien. Nous aurions dû partir.

Environ cinq minutes après, nous avons vu les flics arriver Chouette ! nous sommes-nous dit, nous allons pouvoir discuter. Tu parles. Ils ont sauté sur ma consœur, l’ont menottée comme s’il s’agissait d’une criminelle, et l’ont embarquée. Elle hurlait ! Je la comprends.

Avec mon autre collègue, nous nous sommes demandé ce que nous pouvions faire. Moi, j’étais toujours avec Lou, qui avait 2 ans et demi à l’époque. Mais nous ne nous sentions pas d’abandonner R. Nous n’en avons pas eu besoin. Nous étions là, indécis, quand je me suis fait arrêtée. Sur le coup, je n’ai pas bien compris ce qui m’arrivait. D’autant que les choses se sont passées quand même beaucoup plus en douceur que pour R. J’ai aussi eu droit à la voiture de police jusqu’au commissariat. R. était déjà dans un bureau avec un commissaire. Moi, il fallait que j’attende. Lou sur mes genoux, je lui racontais des histoires. Heureusement, si elle percevait une tension, elle ne comprenait rien à ce qui l’entourait.

Le C. au départ de toute l’affaire est arrivé. Il faisait le bravache, disait qu’il en avait maté plus d’un, alignait son tableau de chasse, se vantait de s’être « fait » des journalistes devant des flics un peu désabusés, qui visiblement avaient bien d’autres choses à faire que d’écouter ce connard.

J’ai été reçue à mon tour par un commissaire, R. n’était toujours pas sortie de son interrogatoire. Je suis tombée sur un homme très civil, visiblement très las et que cette histoire gonflait visiblement. Il m’a expliqué qu’une plainte avait été déposée contre moi par la C. (celle qui s’était mise à pleurer tout soudain) qui m’accusait de coups et blessures. J’étais tellement sciée que je me suis mise à rire. Je lui ai demandé si c’était sérieux. Oui, ça l’était. Il m’a lu sa déposition. Elle disait que j’avais ma fille dans les bras (ce qui me différenciait de ma collègue), que je lui avais sauté dessus, je lui avais attrapé le cou avec mes deux mains et je lui avais mis un violent coup dans le bas-ventre… « Avec ma fille dans mes bras ? ai-je demandé. Mais ça ne tient pas debout. En plus, un coup dans le bas-ventre, elle aurait été un homme, je ne dis pas. Mais une femme. Je ne vois pas l’intérêt. »

Le commissaire s’est levé et est passé dans le bureau à côté avec un air vraiment… fatigué. Il est revenu très vite. Oui, la plaignante confirmait. J’avais fait tout ça avec ma fille dans mes bras. Et puis il a ajouté qu’il était désolé, mais qu’il était obligé d’enregistrer la plainte et de la transmettre. Normalement, il devait me garder à vue, mais comme j’avais ma fille, il allait me relâcher.

Je n’ai pas tellement réagi à ce moment-là. J’étais au-delà de la réaction. Cette histoire était tellement nulle que ce ne pouvait qu’être un mauvais rêve… Je suis sortie du bureau. R. aussi, elle m’attendait. Aucune plainte n’avait été retenue contre elle. Nous en étions aussi surprise l’une que l’autre. Elle m’a racontée qu’elle était tombée sur une commissaire assez compatissante qui à mots plus ou moins couverts lui avait conseillé de se renseigner sur le nombre d’affaires du même genre qu’avait ces gens en cours. Que cela nous ferait comprendre bien des choses.

Lou avait terriblement soif. Et envie de faire pipi. On nous a emmené aux toilettes où elle a pu se soulager et boire un peu d’eau au robinet. Pour y aller, nous avons traversé le local où sont les cellules. Je m’imaginais là-dedans et je me disais que j’avais eu un bon réflexe en gardant la petite avec moi.

Nous avons été relâchée à 2 heures du matin. Nous sommes allés chez moi où nous attendait le Nôm. Il n’avait pas réussi à joindre ma mère. Elle était de sorti ce soir-là. Nous avons mangé nos spaghettis en discutant de ce qui venait de nous arriver. Puis R. est rentrée chez elle et nous sommes allés nous coucher.
C’est le lendemain au réveil que j’ai réalisé…

Le mardi 25 janvier 2005, 23:47 par Buch
Quelle histoire de fous ! C’est super dangereux de ne pas utiliser sa carte orange, ne jamais laisser quelqu’un se promener dans le métro sans avoir composté, c’est un danger pour la population !!!??? Une histoire de sous ?
Vivement la suite, bonne nuit.

Le mercredi 26 janvier 2005, 06:06 par jeff
Condoléance.
Note que ce sont les premiers à faire grève.
et que les derniers sondages montrent que les français sont d’accord avec les grèvistes de la fonction publique…

Le mercredi 26 janvier 2005, 10:25 par Jazz
C’est tout simplement une histoire de dingues, mais vite, je vais lire la suite !