Tes parents sont étrangers ? Tu es bilingue ? Alors tu es un délinquant en puissance. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est le (terrifiant) rapport Bénisti (que je peux envoyer sur simple demande par mail).
La mission des députés du groupe d’études parlementaire sur la sécurité intérieure (et ils l’ont accepté) ? je cite ; « Après avoir mis en place plusieurs lois répressives attendues par nos concitoyens (ahem, NDLR), les ministres successifs de l’intérieur du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin ont souhaité compléter ce dispositif par l’élaboration d’un texte préventif à l’insécurité et à la violence (…). » Eh bien au moins, on sait sur quoi sera basée la prochaine campagne électorale…
Or donc, toi jeune, bilingue, d’origine étrangère, tu es un danger pour notre société. Et le rapport le prouve !
D’une simplicité biblique. Je me demande comment personne n’y a pensé avant.
Donc pour t’empêcher de nuire, toi, l’étranger, les parlementaires à l’origine de ce fameux rapport ont un tas de solutions…
Entre 1 et 3 ans, comme tu vis encore avec papa et maman uniquement, il faut obliger ceux-ci à te parler uniquement en français. Interdit de parler « le patois du pays » à la maison. Cela me rappelle le temps où il était interdit de parler breton, ou basque, ou créole…
Il est bien sûr évident que l’apprentissage de la langue ne se fait qu’à partir de 1 an. Avant, papa/maman pourront toujours te parler dans leur sabir, cela n’a aucune importance… Garance bébé a participé à une étude sur les modes d’apprentissage de la langue par les bébés. Elle avait quatre mois. Cherchez l’erreur.
Je continue l’étude du texte. Des suivis devront être fait en crèches pour détecter et prendre en charge, dès le plus jeune âge, ceux qui montrent des troubles comportementaux… En clair, si vous avez un bambin de 2 ans qui commence à mordre et à taper sur ses petits camarades (chose parfaitement normale à cet âge, ce n’est pas pour rien qu’on appelle ça les terribles 2), eh bien vous avez toutes les chances de vous le faire enlever par les services sociaux, mauvais parents que vous êtes…
Entre 4 et 6 ans, ça se corse. Les enfants sont à la maternelle et « c’est là que les premières difficultés peuvent apparaître. Difficultés dues à la langue si la mère de famille n’a pas suivi les recommandations de la phase J. »
Parce que si maman parle étranger à ses enfants, ceux-ci vont s’isoler dans la classe, moins communiquer avec les autres, se marginaliser.
Je me demande depuis quand nos chers députés n’ont pas été dans une maternelle.
Dans mon quartier, du fait des «hôtels dits sociaux », qui accueillent ce qu’on appelle des primo arrivants (des réfugiés politiques pour la plupart qui ont fuit la Tchétchénie, l’Arménie, etc.), il y a beaucoup de gamins qui sont scolarisés et qui ne parlent pas un mot de français. Il y en a trois ou quatre dans la classe de Léone (âge : 4 ans en moyenne).
Alors d’abord, je ne vois pas comment les mères pourraient leur parler français car en général elles ne connaissent pas notre langue. C’est vrai, elles auront l’obligation de prendre des cours. Mais combien de temps leur faudra-t-il pour leur parler français correctement ? Il est évident que les petits vont arrêter de grandir et d’évoluer pour attendre qu’elles soient prêtes. A moins que nos chers députés s’imaginent que ces femmes parlent bien évidemment français. Comme vous et moi. Personnellement, j’ai demandé à mon mari de parler créole aux filles, parce que je préfère qu’il leur parle un bon créole qu’un mauvais français.
Ensuite, ces gamins ont tellement envie de s’intégrer qu’ils apprennent très rapidement notre langue. Il faut les voir, ces petits, communiquer entre eux. Ils se comprennent très bien. Garance en CP a dans sa classe une petite Bolivienne qui est arrivée en ne parlant pas un mot de français. Elle l’a prise sous son aile. La petite commence à parler assez correctement.
En plus ces enfants savent bien que le sort de leurs parents est entre leurs mains. C’est terrible à dire, mais c’est hélas une réalité. Plus les adultes peuvent prouver que leurs enfants sont intégrés, qu’ils parlent parfaitement bien le français, qu’ils ont des amis, des bons résultats à l’école, plus la famille a quelque chance d’obtenir le droit de rester ici. Les avocats le savent bien qui contactent régulièrement les enseignants et les parents d’élèves pour avoir des attestations. Et les enfants mettent un point d’honneur à s’intégrer.
Et puis, qu’en est-il des enfants dont les parents sont américains, anglais, allemands ? On va les poursuivre également ? Non, le rapport précise page 17 : « Le bilinguisme est un avantage pour l’enfant (ouf on respire, NDLR) sauf lorsqu’il a des difficultés car alors ça devient une complication supplémentaire. Il faut alors faire en sorte que l’enfant assimile le français avant de lui inculquer une autre langue. » Ben voyons. Le bébé va apprendre le français dans une famille qui n’est pas francophone. J’aimerais bien qu’on m’explique comment !
Peut-être les députés pensent-ils particulièrement à ces familles installées depuis plusieurs années en France et où, scandale, on s’obstine à parler « patois » (terme du rapport).
Je pense à l’histoire du Nôm. Dans sa famille, on ne parlait que créole. Quand il est arrivé à l’école, il ne parlait pas un mot de français. Personne ne s’est occupé de lui. Il n’a guère appris le français. Il a quitté l’école en 5e, à l’âge de 16 ans. Et je n’ai pourtant pas épousé un délinquant, encore moins un bandit de grand chemin.
Ce qui est abracadabrant, ce sont les moyens préconisés pour remédier à cet état de fait. Je lis : l’enseignant devra parler aux parents pour qu’au domicile, le français soit la seule langue pratiquée (tout à fait le boulot de l’instit) et si ce n’est pas fait, l’enfant devra être pris en main par un orthophoniste. Question, qui paie ?
Puis si l’enfant « crée des troubles dans la classe » (qu’est-ce qu’un trouble ?), l’enseignant passera le relais à une structure médico-sociale : pédopsychiatre, assistante sociale et pédiatre. Rien que ça. Alors, pourquoi pas. Si cela peut aider certains enfants qui ont véritablement des problèmes (et pas uniquement à cause de la langue) Mais quand on sait que les médecins scolaires, en ce moment, ont en moyenne 2 000 enfants sous leur responsabilité. Quand on sait que toutes les structures de réseau d’aide sont mises en pièces, les postes de maîtres spécialisés pour aider l’enfant dans ses apprentissages, ou à faire des progrès en psychomotricité fine) sont soit supprimés soit utilisés pour autre chose, leur formation en voie de disparition… On ne peut que rester dubitatif devant ces propositions. Car qui met en œuvre cette mise à bas de l’école si ce n’est le gouvernement actuel, de la même couleur politique que la majorité de parlementaires qui ont fait cette pseudo enquête.
Bon, le texte continue sur cette lancée. Et l’on arrive à une perle, une autre. Entre 13 et 15 ans, si le jeune reste à problème ou si les faits délictueux n’apparaissent qu’à cet âge : « Le jeune devra quitter le milieu scolaire traditionnel et entrer dans la filière d’apprentissage d’un métier dès la fin de l’école primaire. »
Là, une question : depuis quand l’apprentissage est-il une punition ? Quand je pense les millions d’euros dépensés, par l’Etat, pour améliorer l’image de l’apprentissage en France, on le met maintenant au niveau d’une maison de correction. Ça me ferait bien rire si je n’avais envie d’en pleurer.
Quelques pages plus loin, « les métiers manuels doivent êtres revalorisés car il s’agit de « l’intelligence au bout des doigts » selon l’expression de M. Marcel Rufo, pédopsychiatre (à la mode, NDLR) à Marseille. Il ne doit plus être un enseignement pour mauvais élève mais au contraire une chance de valorisation de l’adolescent. » Nous ne sommes plus à une contradiction près.
Un passage me met particulièrement en rogne : « Il faut traiter les difficultés de l’enfant dans sa (sic) globalité et de façon transversale en bâtissant un projet éducatif avec un tuteur référent pour l’enfant un peu comme cela est pratiqué pour les enfants handicapés. » Quand on sait le nombre d’enfants handicapés qui ne sont pas scolarisés parce que personne n’en veut… de qui se moque-t-on ? La fille d’une de mes amies, dysphasique, a été scolarisée en septembre dans une école pour la première fois de sa vie. Elle va avoir 10 ans. Avant, c’était sa mère qui lui faisait l’école, car personne n’en voulait de sa petite. Et mon amie, qui n’est pas enseignante, qui n’est pas chercheuse, qui n’a aucun diplôme universitaire a mis au point une méthode pour que la petite puisse enfin apprendre à lire. Alors on peut taper sur les mères, mais il y a des limites.
Je me demande de quel pays et quelle déviance est celle de ces rapporteurs vu le niveau de leur français. Je passe sur le « ça » qu’on peut dire mais pas écrire. Mais le texte est bourré de fautes d’orthographe et de fautes de français, à tel point qu’on se demande de quoi les auteurs parlent.
Exemples : l’enfant en difficultés
– Les enfants en échecs scolaires (c’est bien connu, ces bêtes-là sont nombreuses)
– Les cas ou les familles ne peuvent plus faire face à la violence et à l’échec scolaire de son enfant (attention, il y en a plusieurs dans la même phrase)
– L’enseignement professionnel est un bon moyen pour lui remettre le pied à l’étrier pour l’enfant.
– Afin d’ouvrir des déboucher aux jeunes (débouchons…)
– Les maux de l’enfants
– Montrer de façon objectif
Etc.
On dirait du moi, mais bon, je ne fais pas un rapport sur l’incidence de l’apprentissage du français sur la délinquance.
Je propose une chose. Ces personnes ont de gros problèmes de français. Nous devrions vérifier que leur mère ne leur adresse la parole qu’en français. Les mettre en apprentissage, les faire examiner par des psychiatres et si aucun progrès n’est fait, les mettre, comme eux-mêmes le préconisent, dans des maisons de redressement.
Tiens je propose qu’on les envoie tous en Guyane, à la «1ère compagnie ». Qu’on rigole un peu…
Repost. kozlika indique que :
Un groupe d’enseignants, chercheurs, étudiants de sciences du langage s’émeut de ce rapport et réagit par une lettre-pétition via email (…)
Denis Jamet, enseignant à l’université Lyon-III est le premier signataire d’une lettre adressée aux membres de la commission parlementaire auteurs du rapport et au ministre de l’Intérieur et qui sera transmise sous peu à différents organismes de presse. Ils invitent par ailleurs chaque signataire à transmettre un exemplaire de cette lettre au député de sa circonscription et de faire passer cet appel à signature aux personnes de sa connaissance travaillant dans le domaine et étant à ce titre directement concernées.
Le dimanche 6 février 2005, 10:33 par Lilith
Sidérant…
Au fait ma belle, c’est le rapport « Benisti », pas Battisti. J’ai trouvé le site « enfants bilingues.com », qui en parle aussi.
Reste à savoir si ce rapport, transmis à notre premier sinistre en octobre, va être pris en compte d’une manière ou d’une autre.
Et puis pour rester logique, notre sinistre de l’éducation voudrait qu’on fasse apprendre une deuxième langue dès le CE1 (avant, c’était juste de l’initiation), histoire d’être bilingue le plus tôt possible. Alors question : y a-t-il des langues mieux que les autres ? Bonjour la discrimination, c’est pas ça qui va aider à l’intégration…
Le dimanche 6 février 2005, 10:51 par Eor
Racontars…. C’est une blague ce texte?????? c pas vrai???? je n’habite pas dans un pays si stupide???? J’ai soudain peur!!!!Le dimanche 6 février 2005, 11:10 par LilithNon non, c’est pas une blague, ic’est bien un rapport parlementaire…malheureusement.
Le dimanche 6 février 2005, 12:01 par RACONTARS
Merci Lilith, j’ai corrigé.
Bien sûr, j’espère que le gouvernement ne va pas prendre ce galimatias au pied de la lettre (quoi qu’en campagne électorale l’an prochain, on ne sait jamais), mais que des élus proches de ce gouvernement pour la plupart (il y a quand même deux socialistes !) puisse pondre un tel rapport me laisse pantoise. Et très inquiète. D’autant que nous voyons à l’œuvre la politique du gouvernement en matière d’éducation sur Paris et que cela fait peur. D’un côté on dénonce l’élitisme et de l’autre, on fait tout pour le renforcer. Dans ces conditions, si les diplômes ne sont plus nationaux, ce sera vraiment la cata pour nos enfants.
Eor, si hélas, c’est la vérité vraie
Le dimanche 6 février 2005, 15:30 par Fabien
Rien à voir avec le sujet du jour, mais je profite de la proximité du nouvel an lunaire (9 février) pour te souhaiter une très belle année du coq ! Encore une fois tu as été fidèle à notre blogue, et je t’en remercie très sincèrement. Ça été très agréable de lire tes commentaires !
Le dimanche 6 février 2005, 17:09 par samantdi
J’ai eu la même réaction d’incrédulité que Eor, hélas, c’est vrai !
Racontards, j’ai cité ton billet chez moi, en reprenant le même sujet (m’est avis qu’il faut largement diffuser cette info) mais je ne suis pas arrivée à faire fonctionner le trackback…
Une grosse bise et vive toutes les langues ! tes filles sont belles et bilingues, et en plus sensibles et dégourdies… !
Le lundi 7 février 2005, 16:21 par sophie
Bon rassurez moi ce n’est qu’un rapport n’est-ce pas ? Aucune chance qu’il ne soit mis en application ? Si ? OUf ici c’est l’opinion inverse !
Le lundi 7 février 2005, 16:51 par lavomaticBon, euh, c’est le premier avril, j’ai loupé un truc la? euh ? j’habite dans un pays de m… ?
Heureusement que j’étais assise pour lire mais ça n’a pas empeché ce rapport de me trouer le cul ! Pardon, mais j’utilise le patois francais, mouarf.
Je ne trouve pas mes mots tellement je suis écoeurée. Quand je pense que mon copain est bilingue francais / vietnamien, que régulièrement je lui dis que ça serait bien qu’il pratique le viet avec nos futurs enfants pour qu’ils soient aussi bilingues, pour qu’ils aient eux aussi cette chance, pour qu’ils puissent bien communiquer avec leur grand mère, pour que peut-être un jour cela leur serve pour un futur job, pour partir en vacances …
Aujourd’hui, mon copain s’entraîne avec le chat, il lui parle en vietnamien, c’est très drôle, mais maintenant j’ai un peu peur que mon chat devienne un délinquant !!!
Effrayant, c’est effrayant… en plus je parie que les bilingues ont une couleur de peau … euh comment dire déjà …
Le lundi 7 février 2005, 16:52 par Jeff
Ben une fois de plus tu as le chic pour mettre le doigt sur ce qui fait mal…
On se croirait effectivement revenu 50 ou 100 ans en arrière, les profs interdisent aux campagnards de parler patois!!!!
pitoyable….
Le lundi 7 février 2005, 17:06 par ImpasseSud
Moi, en tout cas, j’en ai froid dans le dos…
Le lundi 7 février 2005, 19:45 par lavomatic’s doudou
Ce sujet m’interpelle assez violemment. Lavomatic a en effet parlé de moi comme je suis son copain. A en croire les extraits du rapport (que je vais m’empresser d’imprimer et de lire), je suis donc potentiellement un danger. D’autant plus que je possède tous les symptômes décrits dans ce rapport. Mes parents ne me parlaient qu’en vietnamien, ma première langue apprise fut le vietnamien. Ma mère ne me parle qu’en vietnamien. Ah oui, j’oubliais qu’à l’âge de 8 ans, j’avais volé un paquet de chewing gum au supermarché du coin, j’ai bossé un mois à la Cogema et j’ai eu une fois des agios de 65 centimes d’euro sur mon compte… Affligeant.
Si seulement on ne m’a pas dit que ce rapport fut rédigé par la main d’un élu français, j’aurai certainement dit « ah bon? on a perdu la seconde guere mondiale ? » Demain, j’irai me dénoncer. En tant que citoyen modèle billingue, je vais faire de la délation… peut être va t on me rembourser mes agios avec.
Le jeudi 10 février 2005, 17:16 par Jazz
J’ai envie de pleurer. Parce qu’on a pu commander un tel rapport, parce que des gens ont cru à son bien-fondé, parce qu’on propose des solutions à la déliquance causée par le bilinguisme, parce qu’on appelle ce ramassis de « conclusions » — qui sont arrivées, j’en suis persuadée, après des mois de recherche intense — un RAPPORT.
Mais bon, j’ai de la chance, tout celà ne me concerne pas. Mes parents m’ont presque toujours parlé en français, moi, alors, grâce à cà, je fais un travail non-manuel parce que j’ai bien étudié à l’école, je n’ai pas commis de crime et je ne consomme pas de drogue (à part le chocolat, rien, je vous jure).
Ouf !
Le vendredi 11 février 2005, 11:38 par Phoebe
C’est nul que l’on puisse dire ça !!!!!
vraiment je le pense…
@+
Le vendredi 18 février 2005, 16:56 par Vinzzz
En exclusivité la courbé évolutive d’un jeune qui au fur et à mesure des années s’écarte du droit chemin pour devenir de droite
http://demesuredupossible.joueb.com/news/216.shtml
