Emmanuel a 8 ans. il vit avec sa mère et sa sœur. Il aime le foot. Non, en fait, il a une passion pour le foot. Il rêve de jouer pour le Brésil, et puis après, de revenir en France, jouer pour les Bleus. Comme beaucoup de garçons de son âge, Emmanuel a un ballon dans la tête.
Oui, mais voilà, Emmanuel n’est pas un petit garçon tout à fait comme les autres. Il est né en Bulgarie. C’est sa maman qui a décidé qu’ils viendraient vivre en France en 2004. D’origine turque, elle a toujours été en but au racisme local. Mais quand elle et ses enfants ont été tabassés dans la rue, elle a décidé que c’en était assez.
Dans leur petite chambre d’hôtel, Martina, la sœur, joue à la parfaite fée du logis. Emmanuel s’ennuie. Prostré. Sur le lit. Lit sur lequel il vit quand il n’est pas à l’école ou au centre de loisirs. C’est quoi la vie d’un petit garçon de 8 ans coincé dans une chambre où il n’y a pas grand-chose pour jouer ?
Et puis un jour, enfin, il l’a son ballon, celui dont il rêve depuis des mois. Alors il ne le quitte plus, peut-être même dort-il avec. Dès qu’il fait beau, il descend dans la rue et il joue au foot. Il est Juninho, Ronaldinho, Julio César… Il dribble, feinte, tire des coups francs sous les applaudissement de autres gamins. Il est heureux.
Vous avez déjà vu des gamins de cet âge-là jouer au foot ? Ça fait du bruit. C’est exactement ce que ce sont dit les voisins. Ils se sont plaints. Alors, le patron de l’hôtel a donné son congé à la mère d’Emmanuel. Mercredi prochain, elle devra avoir déménagé. Mercredi ? Mais c’est dans deux jours… Elle a de la chance. Ailleurs, c’est pire, il n’y a pas de préavis.
Devant l’école, la mère attend ses petits. Emmanuel est content. Il fait beau, il a son ballon. Il fait le clown, le zouave, l’imbécile. Sa mère l’admoneste. Elle lui explique qu’ils viennent d’être expulsé de l’hôtel, à cause du bruit, du ballon, des plaintes… « Tu te rends compte de ce que tu me fais vivre ? » Emmanuel regarde ailleurs. Il fait une drôle de grimace. Puis il cache son visage en disant : « Arrête, maman, s’il te plaît. » Alors la mère se tait.
C’était quelques scènes du très beau film documentaire de Valérie Desnesles, Ma vie à l’hôtel, qui est passé sur France 5 le 1er février dernier. Un film admirable car il raconte sans fioritures ni misérabilisme les conditions de vie des étrangers en demande d’asile ou sans-papiers.
L’hôtel où est logé la famille était un bon établissement. Les chambres y sont propres, dotées de sanitaires qui fonctionnent, d’une plaque électrique pour faire quelques repas chauds et même, comble du luxe, d’une télé. Les draps sont changés chaque semaine. Le personnel est compréhensif. C’est rare. La plupart des autres établissements, ailleurs, sont dans un état déplorable. Souris, cafards et autres bestioles sont monnaie courante.
Les familles sont prises ou jetées selon le bon vouloir des hôteliers qui, parfois, sous-louent les piaules, la journée, à des prostituées. Pourtant, pour chacune de ces pièces où s’entassent les familles, l’Etat paie, par l’intermédiaire de la Cafda et autres organismes du même genre (qui font ce qu’ils peuvent, et dans l’ensemble font même au-delà) entre 900 et 1 500 euros. Une amie de la mère, qui vit dans le même hôtel, s’étonnera d’ailleurs de cette organisation « à la française ». « Comment peut-on dépenser autant d’argent pour nous faire vivre même pas comme des chiens. »
Entre 900 et 1500 euros, pour une chambre sans confort, sale, la plupart du temps sans cuisine et qui servira, en plus, de chambre de passe. Tel est l’univers d’Emmanuel, 8 ans, peut-être futur grand footballeur français…
Le mardi 6 février 2007, 22:07 par Chondre
né en Bulgarie d’origine turque et survivant en France avec sa famille. Parfois, nos petites merdes du quotidien…
