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Le spectacle est composé de trois solos en première partie, deux de Sylvie Guillem qui encadrent celui de Russel Maliphant, et d’un duo en deuxième partie. Le tout durant environ une heure, à laquelle il faut ajouter une demi-heure d’entracte.

La première pièce, Solo, se joue sur un air de tauromachie. Un rythme espagnolissime de Carlos Montoya. L’artiste, vêtue d’un top et d’un pantalon blanc, est une épure de danseuse flamenca : le geste porté à son paroxysme, mais qui ne s’emporte jamais, les bras qui dessinent l’espace, les mains d’une précision infinie, les jambes qui découpent diaboliquement l’espace, les pieds, terriblement racés. Le corps a des élans infinis qui nous entraînent puis s’arrête exactement là où il le doit. C’est d’une précision diabolique, un dessin très clair, une ligne élégante, mais qui n’est pas froide ni coupante. C’est doux, c’est vivant, c’est merveilleusement beau. Et quand le rideau tombe puis se relève sur une danseuse haletante mais sûre d’elle, la salle croule sous les applaudissements. Elle salut et salut encore puis s’éclipse

Sur scène, c’est Russel Maliphant qui prend place dans un très joli dialogue avec son ombre. La musique de Shift est de Shirley Thomson. Suivant l’endroit de la scène où le danseur se meut, les ombres apparaissent ou disparaissent, entrent ou sortent, dansent ou s’immobilisent. Il y a de très beau moments, notamment quand Maliphant et ses ombres forment une corolle. C’est sobre, dépouillé, très zen… peut être un peu trop. Ici, mon attention s’est peu à peu éteinte et j’ai craint un moment de m’assoupir. Et puis cette danse de l’ombre n’est pas une découverte. J’avais vu à Chaillot, salle Gémier, Traversée d’ombres des chorégraphes Geneviève Mazin et Fabrice Guillot, un ballet destiné aux enfants, mais qui m’avait fortement impressionnée par ses trouvailles visuelles, son inventivité et son esthétisme (ça se donne le 10 janvier à Maison-Lafitte, si vous avez l’occasion…). Bref… Je suis trop dure avec Maliphant, sa chorégraphie a quelque chose de très pur, d’originel et d’universel qui fait que l’on s’y sent bien.

Dans son deuxième solo, Two, Sylvie Guillem apparaît dans un carré de lumière qu’elle ne quittera quasi pas. Au rythme d’une goutte d’eau, elle se meut, dessine l’espace de ses mains magnifiques. Puis la musique d’Andy Cowton (parfaite) prend de l’ampleur et la danseuse se déploie. L’éclairage dessine des ombres magnifiques sur ce corps d’athlète. Mais masque aussi un travail qu’on aimerait mieux voir. Je suis frustrée. Ce que je regarde est sans doute magnifique, mais du haut de mon premier balcon (au fond) la lumière masque plus qu’elle ne souligne la performance. Cela doit être parfait en orchestre, ou à la corbeille. Mais pour tous les autres placés en hauteur, il s’agit presque maintenant d’un travail de divination.

Je suis dubitative en sortant dans le hall pendant l’entracte. Parce que j’ai l’impression que le spectacle se dérobe, se refuse. C’est beau, oui, magnifique, mais je reste sur ma faim. Peut-être aussi parce que ces pièces sont trop courtes, pas plus de huit minutes. On a à peine le temps de s’installer, de s’envoler qu’il faut déjà redescendre…

En début de deuxième partie, je songe un moment à sortir mon appareil photo. Et puis je l’oublie complètement. Toujours sur la musique d’Andy Cowton, le couple fait son entrée sur scène pour Push. Et pendant une demi-heure, je ne vais plus penser à rien d’autre qu’à l’extraordinaire beauté de ce que je vois. L’osmose entre les deux danseurs est telle qu’on pourrait les croire un et unique corps qui se fait et se défait. Je n’ai jamais été douée pour traduire mes émotions visuelles en mots et c’est sans doute pour cela que je fais de la photo. Mais là, clairement, je n’ai pas les mots. Je n’ai pas aimé, j’ai adoré. La musique, la lumière, la danse. J’ai visité le désert d’une planète inconnue, puis je suis arrivée dans une cité d’Enki Bilal pour assister à la danse de la fin du monde, comme si plus rien n’allait exister ensuite, et qu’il fallait danser de toute urgence, danser pour survivre… Si l’exiguïté des lieux me l’avait permis, je crois bien que je me serai mise à genoux pour remercier les artistes de tant de beauté.

Et ce n’est que lorsqu’ils sont venus saluer que j’ai repenser à mon appareil photo…

La magie

Dernière demain, mais je crains bien qu’il n’y ai déjà plus de place depuis longtemps…

1. Le dimanche 7 janvier 2007, 14:29 par flo

Je crois que nous avons préféré les mêmes pièces :)

2. Le lundi 8 janvier 2007, 09:25 par Anne

J’en ai fait l’expérience, raconter les émotions qu’on ressent face à la danse est quelque chose de quasi impossible…