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Allez, un peu d’Ibrahim Ferrer dans les oreilles et, d’un coup, il fait moins froid. Au bureau, je n’ai pas besoin de mes mitaines pour taper sur mon clavier, mais à la maison, sous les toits et avec notre grande verrière, je suis frigorifiée. Et il me faut un bon bain (je les aime très chaud, fumant quasi) pour pouvoir rejoindre ma couche sans être transie.

J’adore mon bain du soir. C’est un moment d’intense décontraction. Parfois je m’y endors, pas longtemps, quelques minutes. C’est le signe que je suis à point pour aller au lit. Plongée dans l’eau et la mousse, je nettoie non seulement les impuretés du corps mais aussi celles de la tête que j’évacue.

Ainsi, hier soir, je repassais les événement de la journée et songeais qu’il faudrait inventer un décrypteur de politiques. Quand je dis politiques, je ne pense pas seulement aux élus, mais aussi à ces hauts fonctionnaires qui nous gouvernent tout de même beaucoup plus. Et notamment aux recteurs, inspecteurs d’académie, etc.

Leur ego peut être surdimensionné. Qui méconnaît cette règle aura du mal à se faire entendre, à obtenir des avancées. Un politique ne peut se déjuger. Si on arrive à lui opposer un vrai rapport de force, on peut le forcer à la faire. Ainsi, les grandes manifestations, immenses, populaires, dans des circonstances particulières, peuvent faire céder un gouvernement particulièrement entêté. Il y a presque vingt ans, la mort de Malik Oussékine, tué par des forces de police lors d’une manifestation contre le projet de loi Devaquet, a durablement traumatisé notre classe politique pour que, dès que des lycéens et des étudiants descendent dans la rue, elle retire tout ou partie de son projet. Les adultes pourront toujours manifester par milliers dans les rues des villes, tant qu’ils n’auront pas leur mort emblématique, il y a peu de chance qu’ils obtiennent gain de cause. Cela dit, je ne suis pas candidate pour le sacrifice sur l’hôtel de la contestation et je ne crois pas que le jeu en vaille la chandelle.

L’autre condition pour faire reculer un gouvernement, ce sont de grandes élections dans l’année. Et d’après ce que je vois, le referendum européen n’a pas l’air d’être si important que ça aux yeux de ceux qui nous gouvernent.

Quand le rapport de force n’est pas là, quand il s’agit juste d’un petit groupe, le jeu est nettement plus compliqué et subtil. Le « grand homme » ne peut se déjuger, il ne peut céder devant quelques centaines de personnes en colère. Et d’ailleurs, s’il cède, ce ne sera pas parce que nous sommes fermes, solidaires, actifs, etc – il faut bien reconnaître qu’il n’en a pas grand-chose à faire de nous, d’ailleurs, quand nous nous exprimons, souvent il baille, rêvasse ou discute avec sa voisine – mais parce que nous avons réussi à faire pression via nos élus. Qui nous soutiennent.

Sachant cela, il est important de lui laisser toujours une porte de sortie honorable, qui lui permettra de changer de position sans perdre la face.

Le haut-fonctionnaire avance donc d’un pas, affirme que la question n’est pas urgente, qu’elle sera traitée avec l’ensemble des autres cas, plus tard, calmement, sans donner de véritable échéancier. Mais ne voulant pas donner l’impression de reculer, il reste sec et ferme sur ses positions de principes, sur ce qu’il appelle ses convictions : je recule, mais je ne le dis pas comme cela.

Evidemment, suivant les lunettes que l’on a, on peut interpréter ça de deux façons :
– la première, naturelle, pour qui n’a aucune expérience de la chose politique, mais qui n’en reste pas moins fondée : il nous endort pour mieux nous assassiner ensuite. Qui dit pas d’annonce, dit aussi pas de mobilisation contre cette annonce.
– la seconde, plus tordue, mais bien dans la façon de ces gens-là : le projet pour le moment est abandonné (l’absence d’échéancier, bien souvent, signifie enterrement), mais il ne le dit pas, il n’apparaît pas comme une girouette changeant d’avis devant la moindre pression. L’honneur est sauf.

Alors, qu’elle est la bonne interprétation ? Je ne suis pas sûre qu’il y en ait une. Je crois que rien n’est tranché et que le bonhomme attend de voir comment vont évoluer les choses. Dans ce cas, il faut rester mobilisé, maintenir la pression sur les élus pour qu’ils continuent de nous soutenir, ne pas laisser le soufflet retombée. Jusqu’à l’an prochain. Une bataille à la fois, on ne gagne pas une guerre en élaborant des stratégies à trop long terme. L’année prochaine, les conditions seront extraordinairement différentes. Il y aura des élections municipales et les enjeux sur Paris seront énormes…

On n’est pas sortis de l’auberge, mais il faut bien avancer.

Le mercredi 16 février 2005, 13:28 par brio
Ah ah ah ! J’admire l’architecture de cet article : à la manière de Paris Match qui entre deux articles people, va nous glisser un vrai reportage sur l’Afghanistan, tu commences par des futilités très blog… et zou, imperceptiblement, on glisse vers de la hard politique. Du grand art.

Voilà pour la forme.
Sur le fond, d’tte façon, t’as toujours raison ;o)
Rien n’est plus immuable qu’un fonctionnaire. Le politique risque sa place périodiquement. Il veut donc nous séduire ou éviter de nous déplaire. Le fonctionnaire, lui, est permanent. Pourquoi dialoguer avec la plèbe ?

Le mercredi 16 février 2005, 13:35 par samantdi
Bravo pour cette belle énergie, toujours à déployer et redéployer!

Quant aux élus et hauts fonctionnaires… c’est une sorte de caste qui se renouvelle très peu. Ce système n’est pas fameux, mais il semble avoir encore de beaux jours devant lui.

Tu as raison, il faut avancer une bataille après l’autre…

Une bise

Le mercredi 16 février 2005, 14:02 par Racontards
Brio : merci :-) Ça doit être parce que je bosse dans la presse magazine…
Samantdi : oui, pas fameux, mais on n’a pas trouver mieux pour le moment… Mais tu sais, là, je suis vraiment épuisée. Un petit répit est le bien venu…

Le mercredi 16 février 2005, 14:15 par Jazz
Le haut-fonctionnaire, jusqu’à maintenant je n’ai eu affaire à lui qu’à travers les récits des autres. Mais pour combien de temps encore ?