Nous sommes sortis du tribunal, R. l’avocat et moi et nous avons pris un verre au bistrot d’en face. Je n’en revenais pas de tout ce que j’avais vu, entendu dans la matinée. Mon avocat était nettement plus blasé : « C’est tellement courant. Il y a tellement d’incidents de ce type qui se termine au tribunal. Si tu savais… C’est si facile, m’a-t-il dit en substance. Et puis, a-t-il ajouté, celui-ci s’est cru très fort. Quand il a su que vous étiez journalistes, il a voulu vous ajouter à son tableau de chasse. La prochaine fois, il se méfiera. Parce que la Régie va l’avoir à l’œil. Pas très bon, ça, comme affaire. Surtout quand elle est perdue. »
Il était sûr que le jugement allait m’être favorable. Je lui faisais confiance. Mais quelque part, je gardais un fond d’inquiétude. Sait-on jamais. J’avais vu tellement de choses dégueulasses entérinées à la va-vite par les juges…
La semaine suivante, il faisait beau temps. Je ne travaillais pas. J’ai emmené Lou avec moi. Nous avons pris le bus jusqu’à Châtelet, puis nous avons traversé la Seine à pied. Me J. était entré, il m’avait laissé un message disant qu’il allait avoir le jugement en téléphonant. Mais j’ai préféré y aller moi-même. Je n’en pouvais plus d’attendre. La petite main toute chaude de Lou dans la mienne, je suis entrée au palais de justice, j’ai erré un moment en cherchant les bureaux où je devais me rendre. J’ai toqué à une porte, puis à une deuxième. Là, une femme m’a demandé mon nom, la date de l’audience. Puis elle a dit… Melle X ? relaxée. Et elle m’a tourné le dos.
Vous allez rire. Je ne savais même pas ce que ça voulait dire exactement « relaxée ». Alors, en m’excusant, je le lui ai demandé : « Ça veut dire que je n’ai rien ?
– Eh bien oui !
– Rien du tout ?
– Non, rien, relaxée !
Je suis sortie à reculons, j’ai refermé la porte doucement, je me suis tournée vers Lou. Je l’ai regardée avec un grand sourire. Elle levait vers moi ses grands yeux noirs. Alors je l’ai attrapée, je l’ai jetée en l’air, je l’ai rattrapée et nous avons tournoyé et dansé pendant un moment, riant comme deux folles. Les gens nous jetaient des regards étonnés. J’ai fini par me rendre compte qu’il valait mieux aller faire la fête ailleurs. Nous sommes sorties et nous avons été nous promener sur les quais de la Seine, profiter toutes les deux de cette fabuleuse journée de liberté.
J’ai mis encore un bon mois avant d’accepter de redescendre dans le métro. Mais ma grossesse avançant, le vélo devenait contre-indiqué.
Je m’étais juré, une fois l’affaire terminée, d’écrire à la Régie pour dénoncer les agissements de la bande des C. Je ne l’ai pas fait. Je voulais que cette histoire soit derrière moi, ne plus en entendre parler pendant un moment.
Quelques années plus tard, sur le quai de la station de la place de Clichy, j’ai vu un attroupement. Des contrôleurs faisaient leur boulot. L’un d’eux était à l’écart, qui s’en prenait à un voyageur noir. C’était le C. en chef. Même ton, même attitude. Il sévissait toujours. J’ai fait un long détour pour ne pas passer à côté de lui. Il aurait été capable de remettre le couvert.
Le jeudi 27 janvier 2005, 16:16 par Anne
Ouf pour toi et …. boudiou quelle incurie pour ce connard de C.
Dire qu’on a le plus souvent peur de se faire agresser par d’autres passagers…
Le jeudi 27 janvier 2005, 16:42 par Racontars
J’ai fait partie longtemps d’un panel de la RATP pour une enquête auprès des usagers. A la question sur l’insécurité, quand je répondais que la seule fois que je m’étais fait agresser c’était par des contrôleurs, ça jetait un froid
depuis, je refuse de répondre à cette question en expliquant que c’était pour moi un faux problème, que l’insécurité était très largement induite par les campagnes…
Le jeudi 27 janvier 2005, 17:19 par Jazz
Ouf ! La fin est heureuse pour toi (mais j’ai eu vraiment peur qu’il y ait des complications à cette affaire…).
Je suis encore terriblement choquée par cette histoire.
Surtout que j’ai l’impression d’être contrôlée au moins trois fois par mois…
Le jeudi 27 janvier 2005, 18:38 par Jeff
Je suis assez content pour toi.
Note que tu aurais pu rester observer, histoire de fournir un témoignage indépendant, pour éviter qu’il n’arrive à un autre la même chose qu’à toi.
Tu ne dis rien, tu ne fais rien, mais si la personne se fait arrêter, tu dis que tu étais là. Et tu racontes ce que tu as vu.
Le jeudi 27 janvier 2005, 21:10 par Veuve Tarquine
Je devrais être rompue à ce genre d’histoire mais il se trouve que non, pas du tout … Je n’osais pas lire le 4ème volet de peur que tu n’aies pas été relaxée… Et puis j’ai lu et j’ai fait un grand « Ouf ! ». Mais il y en a tellement de condamnés…
Le jeudi 27 janvier 2005, 21:37 par Buch
C’est révoltant ! Ce qu’ils t’ont fait, et qui heureusement s’est bien terminé pour toi (mais combien de terreurs, d’angoisses, dans l’attente de ce jugement) et ce qu’ils font à tous ceux qui n’ont pas la possibilité de se défendre décemment, qui sont surement ruinés par ce jugement. Je me souviens d’avoir été arrêtée aussi dans le métro à 6h00, j’avais mon ticket mais mes 2 compagnons avaient fraudés. Les contrôleurs nous avaient proposés une seule amende en liquide pour les 2, on a pris, bien sûr, mais je me suis interrogée à l’époque de ce qu’ils se mettaient dans la poche. Ton histoire est bien plus affreuse, ils n’hésitent pas à mettre des innocents dans l’affreuse inquiétude de l’innocence, alors que les coupables continuent leurs sales arnaques en s’en mettant plein les fouilles ! Rien de sert à hurler dans le désert, mais qui pourrait arrêter ces gens-là ? S’il te plait, dis moi que tu as chercher à savoir comment les piéger !
Le jeudi 27 janvier 2005, 22:33 par Aude dite Orium
Oui, on a envie de savoir comment arrêter ces escrocs, ces vandales. Ouf pour toi, qu’en est il de tous les autres ? Que faire, que faire, que faire ?
Le vendredi 28 janvier 2005, 14:08 par Cédric
J’en reviens pas, c’est une histoire de fou.
Envie de dire des choses déplaisantes sur ce « C. », alors je me tais.
Content pour toi que tout se finisse bien 
Le lundi 31 janvier 2005, 05:12 par Ebb
Cette histoire est tout simplement incroyable et révoltante !
Ces trips de pouvoir, c’est absolument minable. Et honteux que ça puisse prendre impunément de telles proportions.
J’ai toujours trouvé que la société française était trop… « policière » ou « policée ». Devant un contrôleur ou n’importe quel autre sorte de flic, on se sent toujours mal, même quand on est dans son bon droit. On peut vivre sans contrôleur, si si, la preuve, il n’y en a pas au Canada, et ce n’est pas un pays si arriéré !
Une fois à Paris dans le métro, on était entrés par une barrière ouverte plutôt qu’en compostant les tickets. C’était dans la plus pure innocence puisque, comme je disais, on peut très bien le faire ici. Quand le guichetier va faire pipi, il déverrouille même les tourniquets pour que les gens ne soient pas retardés, et c’est un voyage gratuit !
Je garde toujours un affreux souvenir du ticket qu’on s’est pris cette fois-là, à cause de l’interaction avec le contrôleur (on se fait toujours contrôler LA fois où on a fait une erreur, n’est-ce pas…).