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Comme je suis une élue du Comité d’entreprise de là où je bosse (eh bien oui, pas là où je ne bosse pas, ça n’aurait pas de sens), c’est moi qui gère les cadeaux de noël. Traditionnellement, nous n’offrons pas de cadeaux aux enfants des salariés, comme cela se fait habituellement, mais aux salariés eux-mêmes. D’abord, parce qu’il y en a quand même un grand nombre qui n’en ont pas, d’enfants. Ensuite parce que ça suffit cette politique sociale pétainiste des comités d’entreprise.

Bref, depuis (attends, cela fait combien de temps que je suis élue… Sept ans ! Mazette, c’est pour cela que j’en ai un peu marre quand même. Comment ça le non-renouvellement des mandats ? Mais je voudrais bien, moi, que d’autres soient élus, mais personne ne veut se présenter, tous des dégonflés…) sept ans, je joue les mère noël.

La première année, j’ai offert une caisse de bouteilles de champagne. Evidemment, il y a eu des grincheux pour pleurnicher que les cadeaux pour les enfants, quand même, c’était mieux. Quand je vois combien gagnent ces pleurnicheurs par mois, je ne m’en fais absolument pas pour le noël de leurs mômes. Comme si ceux-ci attendaient après le cadeau du comité d’entreprise de papa ou maman. Ben voyons ! D’autres, ou les mêmes, n’aimaient pas le champagne…

L’année suivante, j’ai opté pour le foie gras et le pinard. J’étais en congé de maternité, donc pas très dispo pour organiser tout ça et chercher des producteurs. Nous avons donc passé commande chez un petit producteur de l’Indre, copain d’un des grincheux de l’année précédentes, élu comme moi. Ce qui a eu le mérite de le faire arrêter de grincher. Ouf, toujours ça de pris.

L’année d’après, j’ai pris le même principe, mais j’ai changé de producteur parce que vraiment, on avait eu des soucis (ils n’étaient pas assez gros producteur pour assurer une qualité suivie et ce n’était pas terrible). J’en ai donc cherché d’autres. Je n’ai pas été très satisfaite. Le confit et le pâté, parfaits, le foie gras, moyen. Par contre, j’avais accompagné le tout d’un cognac 10 ans d’âge issu d’une des meilleures exploitations de la fine champagne (je peux donner les coordonnées à tous ceux qui le demandent) et une bouteille de pineau des Charente issue d’une autre exploitation, située à quelques kilomètres de la première et dont le pineau est le meilleur du coin. C’est que je les gâte mes collègues.

Le bureau des réclamations a cependant noté que le cognac, c’est beaucoup trop fort à boire. Le foie gras pas terrible (c’était vrai), y en a marre du foie gras. Et les cadeaux pour les enfants, c’était bien quand même.
Je précise tout de même qu’il y en avait pour environ 450 francs par cadeau et donc par salarié…

L’année suivante, j’étais de nouveau en congé maternité. Cette année-là (foie gras et vin), on m’a oubliée, je n’ai pas eu de cadeau… Ils ont été obligés de passer une nouvelle commande juste pour moi … Pour s’excuser, on m’a offert une caisse de vin au lieu d’une seule bouteille. c’était bien réparé…

L’année suivante, c’était celle du « Loft 2 ». D’aucuns s’en souviennent, sévissait cette saison-là un dénommé Félicien qui ne perdait jamais une occasion de vanter sa région natale des Landes, La Chalosse. Mon journal a envoyé là-bas un duo de reporter de choc, l’un d’eux est revenu avec un petit prospectus : Patrick Camdessoussens, ami du Félicien susnommé, producteur de produit de grande qualité, me vantait mon confrère. J’ai donc décidé de commander plutôt chez ce monsieur. J’accompagnais le panier de deux bouteilles de lalande pomerol, le cognac et le pineau n’ayant pas fait flores (donner du caviar à des cochons, oui).

Dans le même temps, je proposais à ceusses qui n’aimaient pas particulièrement les produits du sud Ouest (ou qui, originaires de cette région, en avaient plus qu’assez du foie gras), un colis provençal contenant des gourmandises variées (olives, tomates confites, galets de la Durance, tapenade, etc.), une bouteille de pastis bleu et une autre d’huile d’olive grand cru.

Pour la première fois, je n’ai pas eu trop de râleries. Sauf certains célibataires endurcis et au régime alimentaire pauvre qui franchement, ne goûtaient guère toutes ces gourmandises : « Bah, ça vous fait un cadeau quand vous arrivez chez les gens », répondais-je alors. Pour le foie gras, je n’eus que des louanges. Il faut dire que les produits de M. Candessoussens sont parmi les meilleurs que j’ai mangés et Dieu sait que j’aime les produits du sud-Ouest. Je donne d’ailleurs ses coordonnées à qui les veut. Il livre dans toute la France. Et il est charmant.

Si certains de mes confrères faisaient la fine bouche, ce n’était pas le cas de tous. Ainsi, ce chroniqueur ultra mondain, qui en plus de sa page hebdomadaire chez nous, fait aussi de la télé et de la radio (et qui gagne très confortablement sa vie, rien que chez nous) réclamait son cadeau à corps et à cri plusieurs semaines avant Noël jusqu’à ce qu’il reparte enfin avec. Ce fut à un tel point cette année-là que nous en étions tous écœurés. « Ma cassette, ma casette », hurlait l’avare de Molière. « Mon cadeau, mon cadeau », hurlait notre chroniqueur.

L’an passé, nous avons suivi exactement le même schéma. Sauf que les sans appétit ont eu droit à des chèques cadeau, bon d’achat à la Fnac. Ainsi que notre chroniqueur qui repartit tout dépité avec sa petite enveloppe en lieu et place de sa cassette de foie gras. C’est peut-être pour cela que nous ne l’avons pas vu cette année. Pourtant, je lui réserve encore un autre chien de ma chienne.

Cette année, j’ai commandé pour la troisième et dernière fois chez M. Candessoussens. J’ai repris du pineau. Par contre, j’ai remplacé le colis provençal par un colis créole. Je n’ai eu que six candidats pour ce panier. Les six qui, me connaissant, savaient que j’allais choisir les produits avec soin et leur en mettre plein la vue. Ils n’ont pas eu tort, et ceux qui les ont vu passer en ont conçu quelque jalousie…

Tant pis. Mais avouez qu’il y avait de quoi..

La cadeau du CE

L’an prochain, comme nous allons être absorbé par le CE du groupe, nous retomberons dans les mesures pétainistes. Un chèque cadeau par enfant, sur justificatif bien sûr.

Et tant pis pour ceux qui n’en ont pas…

Pourtant, c’est grâce aux salaires de tous que le CE obtient des subventions…