Trois jours de congrès, cela faisait longtemps que cela ne m’était pas arrivé. Celui-ci avait lieu à Pau, j’avais presque l’impression de partir en vacances. Plutôt amusant. J’ai quitté la maison mercredi après déjeuner. Les trois filles étaient en larmes, maman désertait le foyer… Un peu tristoune qu’elles le prennent aussi tragiquement, j’ai rejoint la gare Montparnasse et les confrères avec qui je voyageais. Toute la direction du SNJ partait dans le même train. J’imagine les gros titres s’il nous était arrivé quelque chose…
Cinq heures de train, quand on est plusieurs et qu’on papote, cela passe rapidement. Nous sommes arrivés à Pau à 19h30. Des confrères nous attendaient, qui nous ont emmenés d’abord au Palais Beaumont, magnifique palais des congrès de la ville où avaient lieu nos réunions de travail pour notre inscription, puis à l’hôtel où nous dormions.
J’ai de la chance, souvent, je l’ai toujours dit. Je suis tombée dans le meilleur hôtel de la ville. Bâtiment ancien, avec beaucoup de cachet, des vieux meubles dans le hall d’entrée, des statues. Et tout le confort moderne. J’ai pris possession de la chambre que j’allais partagée avec une amie. Un vrai plaisir : très grande, un peu cossue de ce charme bourgeois des hôtels de province (même si, je l’avoue, je ne mettrai pas ce genre de tapisserie chez moi), fauteuils confortables, télé, grande salle de bains et, nec plus ultra, grande baignoire.
Je n’ai pas tellement eu le temps de profiter des lieux, il fallait retourner au palais pour dîner et participer au premier débat. J’ai plus apprécié le repas que le débat : jambon de Bayonne, charcuterie béarnaise, salade, c’était léger mais délicieux. Au dessert, mousse de framboise (une tuerie) et figue confite. Les copains se sont esbaudis sur la figue. J’ai moyennement apprécié. Je ne suis pas une fan. Mais un petit coup de jurançon là-dessus, et le bonheur était total.
Il a bien fallu quitter la table et les agapes pour aller travailler. Thème : la nécessaire critique de la presse à travers la guerre d’Irak. Plusieurs intervenants étaient là pour nous disséquer la chose : un sociologue, Jean-Marie Charon, ingénieur au CNRS et enseignant au CFJ, assez intéressant ; un professeur d’université, Jean Ortiz, ancien journaliste, correspondant de L’Huma au Nicaragua, passionné passionnant, de loin l’orateur que j’ai préféré ; un ancien journaliste de La Croix, Alain Hertoghe râlant contre le silence de la presse qui avait accueilli la sortie de son livre. Au lendemain de la déclaration de guerre, il a, pendant trois mois, étudié les principaux quotidiens français, dont La Croix dont il était salarié (et dont il a été licencié après la sortie de son livre). Il y dénonçait la presse française dans sa prise de position sur la guerre d’Irak (la dernière). Je me suis vite demandée (et je n’étais pas la seule) où il voulait en venir. Il trouvait la presse française trop antiaméricaine et inféodée à Jacques Chirac parce que, dans son ensemble, elle était contre l’intervention en Irak, il condamnait ce bel unanimisme… Personnellement, il est difficile de dire que je suis pro Chirac, mais pour le coup, j’étais également contre la guerre en Irak…
Hertoghe m’a hélas donné l’impression du type qui a flairé le coup d’édition et se trouve malheureux car aucun journal ne parle de son bouquin. Du coup, il dénonce l’omerta de ses confrères comme s’il y avait une volonté de passer à la trappe les infos de son livre. Cette histoire m’a laissée songeuse. Car autant le silence du Monde concernant l’enquête de Denis Robert sur Clearstream et la financiarisation de notre société m’avait paru inconcevable autant, ici, je crains qu’il ne s’agisse que d’un bouquin un peu médiocre. C’est en tout cas l’impression que son auteur m’en a donnée lors de ce débat. Ce n’est peut-être pas le cas.
J’ajoute que je ne fais pas ici travail de journaliste. Je n’ai pas lu ce livre et je ne donne que des impressions dégagées lors d’un débat. Et donc, je me trompe probablement. D’autant que d’autres ne sont pas du tout de mon avis. Dont acte.
Sur la question des journalistes remerciés car faisant leur boulot, il y a une excellente notre d’Acrimed qui nous livre un petit aperçu de la chose tout à fait intéressant.
Dans le même genre malheureusement, nous avons eu aussi un journaliste basque qui a réécrit l’histoire de l’attentat du 11 mars à Madrid. Il nous a expliqué que l’ensemble des médias français avaient d’emblée accusé l’ETA de l’attentat (ce qui n’est pas faux), qu’ils avaient succombé aux manipulations du gouvernement Aznar (ce que je demande à voir) et, ce, jusqu’au samedi veille des élections. Et ça c’est faux. Très vite des doutes ont été émis sur des radios et dans la presse écrite. A la télé, c’est autre chose. Je me souviens d’un spécialiste de l’ETA qui d’une chaîne à l’autre disait des choses bien différentes. Est-ce qu’il adaptait son discours à la chaîne ou est-ce que le montage de ses propos était différent. Je n’ai jamais pu trancher.
Une femme animait ce débat. Elle m’a été immédiatement antipathique. La pauvre. Je ne la connais même pas. Je ne l’avais jamais vu. Mais j’avais du mal à la regarder tellement elle m’agaçait avec ses chichis, ses manières précieuses, ses airs de grande duchesse… Il s’agit d’une journaliste de la télé qui fait du théâtre… Et qui s’y croit, m’a soufflé, perfide, ma copine N. Ma copine N. m’amuse beaucoup. Quand elle a quelqu’un dans le nez, elle ne loupe jamais une occasion.
Le débat était tout de même intéressant, surtout grâce au prof de fac. Cet ancien communiste, fils d’ouvriers espagnols, n’avait pas sa langue dans sa poche et brossait, dans un langage imagé et passionné, un tableau des médias locaux, aux services des élus locaux, qui n’était pas triste. Voici un enseignant qui me donnerait envie de retourner à la fac. Il remarquait ainsi que les pages des quotidiens locaux étrangers comptaient nettement plus de pages sur l’international que les nôtres. Dès lors, comment expliquer les délocalisations, si on oublie l’étranger. Et puis comment expliquer un conflit social si on n’est là que le jour ou la grève éclate. Il n’y a aucun suivi de l’actualité locale, la vraie, celle qui intéresse vraiment le lecteur.
Ses propositions pour une presse plus respectueuse de ses lecteurs, plus libre, plus indépendante étaient tout à fait passionnantes. Il croit, dit-il, au journalisme de terrain même si hélas cela n’existe quasiment plus. Comme le journalise d’investigation. Et c’est vrai que la rentabilité a tué la réflexion et l’enquête. On préfère le factuel à la vraie information. Là où il m’a fait rire, c’est quand il a conclu qu’il était tout aussi rebelle qu’à 20 ans « mais moins dogmatique »…
Il y avait aussi un représentant de l’Observatoire français des médias. C’est une association tout à fait importante (en tout cas j’espère qu’elle va le devenir) qui dénonce la concentration des principaux médias, dans les mains de grands groupes qui vivent souvent des commandes de l’Etat (vente d’armes et BTP, excusez du peu !), l’information et l’édition devenues centres de profit (et j’en sais quelque chose dans mon groupe où les titres sont devenus des produits commerciaux) les journaux télévisés, les unes racoleuses (houla, là, je suis en plein dedans)…
L’OFM souhaiterait que le service public le redevienne, que les citoyens s’approprient démocratiquement TF1, vendue en 1987 pour servir un « mieux disant culturel » (si si, vous ne vous souvenez pas de l’inénarrable sortie de François Léotard, alors ministre de tutelle), que cessent les discriminations contre les médias libres et indépendants (alors là, je veux des noms, il existerait encore une presse libre ?), que les journalistes, créateurs et salariés des médias disposent du droit réel et garanti d’exercer (moi aussi j’aimerais bien, ça nous changerait).
Le débat a pris fin sans que nous nous étripions, ce qui valait mieux pour un début de congrès… Nous avons alors été conviés au Casino. C’est une des particularités de ce palais des congrès qui voit défiler congrès, réunions publiques, manifestations, spectacles, c’est d’abriter en son sein un Casino avec machines à sous et tables de roulette. On nous a servi un verre. Orange ananas d’après ce que j’ai pu en déduire. Gin aussi m’a-t-on assuré. Je sais que cette boisson n’a aucun goût, mais là, on ne sentait vraiment pas l’alcool…
Un petit spectacle nous attendait. Un journaliste de Sud Ouest m’a-t-on dit, qui, s’ennuyant (c’est lui qui l’a dit), montait des petits spectacles… En fait, nous avons eu droit à un florilège d’histoires idiotes, vulgaires et sans aucun intérêt sur les Basques ou sur les femmes. Exemple : Maïté (celle de la cuisine à la télé) a des mensurations de rêve : 90 – 60 – 90 et pareil pour l’autre jambe… Affligeant !
Tellement affligeant qu’avec mes consœurs, nous nous sommes éclipsées discrètement. Nous étions fatiguées du voyage. Nous sommes rentrées à l’hôtel. Bain, ordi, dodo. Il était tout de même plus de 1 heure du matin. Ça n’a pas traîné.
Bon, si j’y arrive, je raconte les deux autres jours demain… et puis j’ai aussi le cow boy à raconter…