L’histoire se passe en l’an de grâce 2000. Léone venait de naître et nous avions décidé que nous irions passer la fin de mon congé maternité en Guadeloupe. Quatre mois, rien que ces deux mots me faisaient rêver. Enfin, le temps d’en profiter. Nous avions tout arrangé avec le directeur de l’école de Lou, elle irait un trimestre à la maternelle là bas et lui, lui gardait la place pour notre retour. Nous avions casé le chat. Restait le chien Cochise… Et l’appartement. Le laisser vide pendant quatre mois…
L’idée nous vint donc de le sous-louer pour une sommes modique pendant quatre mois. En contre partie, la personne nous gardait le chien et s’en occupait. Restait à trouver la perle rare, parmi les gens que nous connaissions.
Nous avons commencé à en parler à tout le monde aux alentours. Comme on dit : « Parlez-en même aux vaches, il en sortira toujours quelque chose. » Nous n’eûmes pas besoin d’en arriver aux vaches. Une de mes très bonnes amies nous parla d’un des siens, un étudiant irlandais qui faisait un doctorat sur Rimbaud. Et qui répondait au doux nom de Maurice…
Je l’avais déjà rencontré. C’était un mec plutôt sympa, plutôt calme. Il m’avait déclaré que nous étions cousin puisque j’avais moi-même des origines irlandaises. Il vint à la maison, nous discutâmes musique, ti punch et conditions de location. Il était d’accord sur tout. En fait, il habitait un petit deux pièces pas très loin de là avec sa copine mais avait besoin d’une « garçonnière » (le terme est de moi ) pour finir d’écrire sa thèse. Il me proposa même de me payer une part d’électricité que nous rajoutâmes au loyer. Top là, l’ami, affaire entendue. Il nous fit trois chèques, vint chercher les clés quelques jours avant notre départ. Je lui demandais s’il avait besoin que je lui fasse de la place sur mon bureau : « Pas du tout, je m’installerai sur la table de la salle à manger. »
Nous partîmes le 15 décembre. Nous devions revenir le 29 mars, mais après un problème, nous décalâmes notre retour au 12 avril. Je le prévins par mail de ce contre temps. Pas de réponse, mais bon. L’important, c’était qu’il soit prévenu. J’étais tout de même un tantinet inquiète pour le chien et réussi à joindre ma mère pour qu’elle aille le récupérer.
Le 12 avril, nous arrivâmes à Paris après une nuit d’avion. Les filles qui avait peu dormi étaient épuisée. Nous ouvrimes la porte et les bagage nous tombèrent des mains… Rassurez-vous, tous les meubles y étaient, la télé, la chaîne, les magnétoscope… Mais dans quel état… Je n’ai jamais vu ma maison aussi crasseuse. Quant à la chambre des filles, c’est bien simple, on ne pouvait quasiment pas y pénétrer. Ce cher Maurice y avait entassé tout ce qu’il avait débarrassé ailleurs.
Il avait vidé mes bibliothèques des livres qu’elles contenaient, (j’en avais à l’époque pas loin de 2000) vidé mon bureau de tous mes papiers, mes factures, mes documents. Il avait tout mis dans des cartons en vrac dans la chambre des filles. J’ai mis des mois pour retrouver mes papiers, de la simple facture à mes déclarations d’impôts. Tout était mélangé, en vrac, une horreur.
Il avait sifflé toutes nos bouteilles : cognac (grand cru ramené de Charente l’année précédente), rhum, morgon et quelque bordeaux de haute qualité. Dans la cuisine, il ne restait plus un verre, il manquait la moitié des assiettes et deux de nos casseroles.
La baignoire était grise de crasse. Dans notre lit, les draps n’avaient pas dû être changés depuis 4 mois. Il y avait de la crasse partout.
Nôm et moi passèrent la journée entière à nettoyer et à ranger. Alors que nous étions épuisés. Lui était furieux, moi philosophe. Jusqu’à ce que j’eus ma mère au téléphone et la visite de la gardienne.
La première n’avait pas trouvé Cochise. Personne ne l’avait vu depuis quinze jours. La gardienne nous raconta que Maurice se contentait de lui ouvrir la porte le matin, et ne le faisait pas rentrer après sa promenade. Le laissant aboyer dehors pendant des heures… Agréable pour les voisins. Abominable pour le chien… Certains m’ont dit plus tard qu’ils avaient pris le chien un peu chez eux tellement ils l’avaient pris en pitié, et qu’ils en avaient marre de l’entendre hurler sur le palier.
Maurice n’avait pas dû beaucoup lui donner à manger, vu qu’il restait des boîtes de la réserve que j’avais faite avant de partir. Le plat n’avait évidemment pas été lavée de quatre mois.
La gardienne nous raconta aussi que le gentil Maurice invitait ses copains pour des soirées et des beuveries monumentales… à nos frais bien sûr…
Pendant des mois, on en a découvert d’autres…
Le Maurice, en attendant, avait filé à l’irlandaise, sans laisser d’adresse et avec mon trousseau de clé. J’ai fini par appeler ma copine qui ne m’a pas très prise au sérieux. Maurice ne pouvait pas faire ça. Elle vint à la maison, et nous lui montrâmes : la vaisselle envolée, le parquet défoncé devant mon bureau. Et le chien disparu… Elle a eu honte. Je crois que trois ans après, elle est encore embêtée pour moi. Elle n’y est vraiment pour rien.
Elle ne savait pas non plus où Maurice était. Il s’était bien gardé de lui donner de ses nouvelles. Elle réussit à lui faire passer un message. Deux mois plus tard, j’ai récupéré mon trousseau de clés;. Il était passé dans le quartier et les avaient laissé à mes copines de la boutique d’en bas. Elles lui dire en se marrant d’aller nous les porter directement, mais il prétexta notre absence pour s’enfuir. Le couard. Nôm était bien entendu à la maison avec le bébé…
Je n’ai jamais revu Maurice et tant mieux pour lui. Mais je n’ai jamais non plus revu mon chien. Je crois que c’est pour ça que je lui en veux le plus. La vaisselle, la crasse, la facture de téléphone… bon. Mais mon chien, franchement, ça je ne peux pas le lui pardonner.
J’ai su heureusement ce que Cochise est devenu. Il a trouvé une autre maîtresse. Une dame toute seule, dont le chien était mort peu de temps avant, qui avait une maison avec un jardin et l’emmenait partout, même à son boulot. Elle me fit téléphoner, m’expliquant qu’elle aurait beaucoup de mal à se séparer de Cochise. J’ai compris. J’ai aussi compris que mon chien était heureux chez elle. Il était vieux, elle pouvait lui offrir ce que moi je ne pouvais pas, une maison de retraite. J’ai donc fini par me laisser convaincre de le lui laisser. Mais j’aurais voulu le revoir. J’ai proposé à mon correspondant de donner à la dame toutes les boîtes de bouffe qui me restaient. Ainsi que le carnet de vaccination. Elle n’est jamais venue, elle ne nous a jamais rappelé. Je n’avais pas son numéro de téléphone… Elle avait sans doute trop peur que je change d’avis.
Alors si un jour vous croisez un universitaire irlandais répondant au nom de Maurice, spécialiste de littérature française et de Rimbaud, soyez gentils, dites-lui de ma part : « Maurice, alors là, franchement, tu exagères » et bottez-lui le cul !
Repost dix ans plus tard. Je relis ce texte, et j’ai toujours le cœur lourd. Ce chien avait été mon compagnon pendant tant d’année. Nous étions véritablement complices. Et je m’en veux de l’avoir abandonné à ce saligaud.
Le samedi 6 décembre 2003, 19:10 par mini Mumoui !
volontiers !! quel salaud, ce mec….
(je viens de trouver un chien, tu le veux ?? [gentil, pas aboyeur, calme bien que petit !!] 
Le samedi 6 décembre 2003, 19:25 par Guybrush Threepwood
J’ai bien reçu les CDs… Je vais passer un week end musical.
Merci
Le samedi 6 décembre 2003, 19:26 par halwa
promis, si je le croise dans un pub, je lui dis ! 
Le samedi 6 décembre 2003, 19:28 par Racontars
ce qui me ferai marrer, c’est qu’il lise les blogs et qu’il tombe sur le mien :-))
Mini mum, merci, mais on est trop petitement logés. Nous sommes 5 dans un 3-pièces de 60 m2; ça ne me semble pas une vie correcte pur un chien. Mais j’espère bien pouvoir en avoir un autre si nous arrivons à mettre notre projet à exécution : vivre en Guadeloupe
Le samedi 6 décembre 2003, 19:35 par Le Klodd
Impressionnant…
Ca donne des envies de préparer du maurice chapon, ou du maurice à la broche, avec une belle pomme rouge coincée dans la gueule et une très grosse broche pour faire cuire l’ostrogoth et le donner à manger aux animaux errants…
J’ai eu la malchance de connaitre un zozo du même acabit : il a squatté sur un voilier du père d’un ami pendant 2 mois, à tenté de vendre tout ce qu’il pouvait, et finalement, jusqu’au bateau lui-même, pour 25 000 pesetas, soir environ 1000 francs français de l’époque. C’est comme ça qu’il s’est retrouvé en tôle et les propriétaires contactés, le gardien du port trouvant étrange que ce garçon, qui ne s’acquittait plus des droits de résidence, tentait de vendre environ 1000 Francs un bâteau qui en valait 350 000. Quand à l’état du bateau, quand les propriétaire ont fait un « état des lieux », ils m’ont dit qu’un porc aurait refuser d’y vivre.
Il y a des gens, comme ça, on se demande pourquoi on leur a fait confiance… Bye et a+
Le samedi 6 décembre 2003, 21:47 par oznej
Mauriicccccccccce !!! T’as poussé le bouchon un peu trop loin !!!! 
Oz
Le samedi 6 décembre 2003, 21:49 par alex nouvo herooje suis bouche bée…
quel c..
Je suppose que vous n’irez pas en vacances sur l’Ile… Maurice ; )
Le dimanche 7 décembre 2003, 10:59 par Lisa
Fais du bien à Bertrand, il te le rend en c… !
Le dimanche 7 décembre 2003, 17:01 par Naja
Et bien, je te trouve vraiment très philosophe sur ce coup là. En même temps, tu ne pouvais pas faire grand chose pour retrouver ce sans-gêne… En tout cas, j’aime beaucoup ta façon d’écrire. 