Jeudi 10 aout (2)
Visite du monastèreLa perle de la ville est l’abbaye cistercienne, classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Déjà, de la place, comme je l’ai dit, et sans éprouver une once de sentiment religieux, je suis saisie. Alors j’imagine l’effet que doit produire l’entrée dans la nef pour tout croyant moyen. A chaque fois que je pénètre dans une création de l’ordre de Citeaux, j’ai cette même sensation. En leur sein, même un singe deviendrait mystique.
On entre directement dans l’église. Autant la façade a été très largement remaniée (au XVIIe) ajoutant au gothique des éléments renaissances et baroques (mais elle reste incroyable), autant l’intérieur surprend par son immensité et son dépouillement. C’est un pur joyaux. Une merveille de l’architecture. La nef est immense : 106 mètres de long, 23 de large, et 20 de haut. Elle est grandiose, malgré sa nudité et sa rigueur. C’est sans doute là que réside son pouvoir de séduction, une prouesse architecturale d’une verticalité impressionnante que rien ne vient gâcher ni ternir. Pas d’enrobage, pas de volutes inutiles, pas de décor tape à l’œil, pas de dorure, de tableau, de marbre, de mosaïque : ici, c’est le règne de la pierre, nue, magnifique. Les collatéraux sont inhabituellement, comme je l’explique aux filles, aussi hauts que la nef. Vertigineux. La pierre est blanche, éclairée par d’immenses fenêtres, nous sommes loin de la pénombre habituelle.
Que c’est beau ! Putain, que c’est beau ! Et en plus, il y fait frais. Je me prends un grand pied visuel. Venir au Portugal, rien que pour cela, et le voyage est gagné.
Je reprends mes esprits pour aller vers la billetterie. La visite du cloître, immense, est payante. Je m’en tire aux alentours de 6,50 euros pour toute la famille : nous sommes une famille nombreuse !
Nous entrons dans la salle des rois. Tout autour, des azujeleros historiés qui datent du XVIIe siècle. Ils racontent une histoire, souvent expliqués par des textes en latin et en portugais. Ce sont pour la plupart des scènes de guerre contre les musulmans. Ce sont les premières bandes dessinées historiques, en somme…
En hauteur, une kyrielle de rois, on compte dix-neuf statues. Difficile de les situer dans leur époque à moins de connaître parfaitement l’histoire du Portugal. J’ai encore quelques lacunes de ce côté là.
Il y a également un groupe représentant le couronnement d’Afonso Henriques par le pape et saint Bernard soi-même. Ce couronnement n’a eu lieu que dans ses rêves, mais cette statue est tout un symbole, celui de l’importance des cisterciens (l’ordre créé par saint Bernard) dans la reconquête contre les musulmans, et celui de ce jeune roi qui eut, pour le Portugal, la même importance que Ferdinand d’Aragon et Blanche de Castille pour l’Espagne.
Dans un coin de la pièce, il y une grande jarre qui doit m’arriver à hauteur d’épaule. Quand on y jette un coup d’œil, on voit plein de pièces de monnaie. Ce sera le cas dans toutes les fontaines que nous verrons.
Ça me fait râler, je trouve cela si stupide. Mieux vaut donner aux gens qui en ont besoin. C’est du folklore inutile. Mais ce qui m’énerve encore plus c’est que mes deux dernières n’arrêtent pas de me réclamer des pièces pour aller lesjeter dans la jarre. Et puis quoi encore, scrogneugneu…
Par un petit escalier également décoré d’azulejos, nous débouchons dans le cloître du silence. A chaque fois que nous entrons dans ce genre de lieux, j’explique à Lou la règle de l’ordre de saint Bernard. Elle, ma grande bavarde, s’en émeut, elle aussi à chaque fois, et crie à la torture.
N’empêche qu’il y a des jours où j’aimerais bien qu’elle fasse vœux de silence…
Le cloître fut construit entre 1308 et 1311. Comme l’église adjacente, il est de dimension importante. Ses lignes sont simples, pur gothique. Et ses chapiteaux, à quelques exceptions près, ne sont décorés que de motifs végétaux. Un sévérité toute cistercienne (enfin, du début de l’ordre, car la règle s’est bien souvent adoucie par la suite), mais un ensemble équilibré d’une grande beauté.
Dans la travée en face de celle par laquelle nous sommes entrés, se trouve la salle capitulaire, la salle où le chapitre, c’est-à-dire la règle du couvent s’écrivait, où se prenait les décisions importantes, une des rares où la parole était autorisée. Elle semble plus ancienne que le cloître, car franchement romane, mais ce n’est pas cela qui nous intéresse quand nous y entrons. Des chaises y sont disposées, ainsi qu’un estrade et un piano. Au moment ou nous y entrons, un jeune homme en jean et en tee-shirt commence à chanter. Nous restons subjugués par sa voix de haute contre. « Il a une voix de fille ! » s’exclame Lou qui a cherché vainement une radio d’où proviendrait ce chant.
Je lui explique qu’une voix d’homme peut être aussi très haute, qu’il y a des chanteurs, plutôt rares et célèbres, qui chantent de cette façon. Nous nous asseyons un moment pour écouter le concert. L’acoustique est formidable. Pur moment de bonheur.
Comme d’habitude, de cliquer sur une des photos vous emmènera sur mon compte Flickr où vous pourrez voir plein d’autres images de nos promenades portugaises…
1. Le mercredi 20 septembre 2006, 09:46 par andrem









Avec tes images du cloître, quelques souvenirs émergent. C’est peut-être la violence mystique du lieu qui me l’a fait enfouir dans l’invisible.
Juste une hypothèse que tu me suggères par ta description.
Ah ! ayé j’ai de nouveaux mes haut-parleurs sur mon ordi, je peux reviendre écouter. Michi !
Ah la la, merci de nous faire partager ce pure moment de bonheur. Tu connais mon goût pour la musique baroque, alors, j’ai beau ne pas être dans la salle, ne pas voir et écouter en direct ce jeune homme, ne pas profiter de l’acoustique formidable, j’en ai quand même les larmes aux yeux et les poils au garde à vous! Qu’est ce que j’aurais aimé profiter de cela en direct… Merci encore.