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Jeudi 10 aout (3)

Visite du monastère

(…)

Nous reprenons la visite et avant de prendre l’escalier qui mène au dortoir, nous entrons dans un endroit incroyable : la cuisine. Elle est construite au dessus de la rivière Alcoa, elle fait pas loin de 20 mètres de haut, ses murs sont entièrement couverts de faïences bleues.

Près de l’entrée, une grande table de pierre, puis les deux cheminées, extraordinaires, qui font 18 mètres de haut. Dix-huit mètres de faïence. L’architecture est une folie.

Les cuisine du monastère
Les cuisine du monastère

Sur le mur gauche, des lavabos grands comme des baignoires alimentés par des fontaines de pierre sculptée. Derrière la cheminée, une autre table de pierre puis, en contrebas, un bassin. Après la nef, c’est sans doute cette pièce qui m’impressionne le plus. Ou alors c’est la salle des moines, qui est contigüe, imposante et élégante avec ses arches gothique. Elle descend par palier de travée en travée.

Ou alors, c’est le réfectoire, avec ses trois nefs, l’escalier ouvragé qui mène à la chaire d’où un des moines faisait la lecture à ses camarades, pendant que ceux-ci mangeaient, en silence bien sûr. C’est là que Lou s’est installée. Elle fait la gueule depuis un moment. Avant la visite, j’avais demandé si nous déjeunions avant, ou après (je connais mes affamés) et Lou s’était empressée de dire quelle voulait visiter avant. Oui maman, avant…

Évidemment, moins d’une demi-heure après, elle criait famine. Comme je lui faisais remarque des conséquences de son choix, elle s’est mise à bouder. Bouderie qui a duré toute la visite, l’empêchant de voir ce qu’elle voulait regarder avant… Pffffffff Ses sœurs la rejoignent. Suivis par d’autres enfants de touristes. Il suffit que l’un donne l’exemple pour que tous les autres veuillent suivre…

La salle des moines

La salle des moines

La cantine

La cantine

La cantine

L’escalier et la chaire

Au fond du réfectoire deux statues de moine en bois peintes en blanc. Elles ne sont pas extraordinaires mais leur expression, pleine d’extase, me fait sourire. Ils me font penser à cette expression ancienne : les ravis… qui prend une teinte un peu péjorative de nos jours que je ne renie pas.

Dans une coin, une statue de la vierge à l’enfant, en bois elle aussi. Des panneaux montrent comment elle a été restaurée et les parties manquantes, ce qui intéresse particulièrement Garance qui vient m’expliquer ensuite tout le travail accompli. Elle ne l’a pas lu, elle ne lis pas encore assez bien pour aimer cela, mais elle a compris beaucoup de choses en regardant les photos.

La cantine
La cantine

Nous grimpons à l’étage. Au dessus de la salle des moines et de celle du chapitre, le dortoir des moines, une pièce gigantesque. Je repense au dormitorios des cloîtres du même ordre de Santes Creus et de Poblet, où les hivers sont beaucoup plus froids. Y étaient installés des cellules en bois qui devaient abriter les moines des courants d’air glacials. Rien de tel ici, mais pour les touristes, quelques écritoires où s’installent immédiatement Léone qui fait semblant d’écrire ou de lire. Immédiatement imitée par ses sœurs… Un jour, peut-être me surprendront-elles. Elles seront alors grandes. On en est loin.

L’ancien escalier qui menait à l’église a été supprimé, l’ouverture est fermée d’une vitre d’où l’on voit le transept, les tombeaux qu’il renferme et les touristes qui déambulent. Les fenêtres donnent sur un autre cloître, dit du Cardinal et sur une autre église, qui ne sont pas ouverts à la visite. Ils sont de facture plus récente et ont moins d’intérêt.

Une porte permet d’accéder à la galerie supérieur du cloître du silence, promenade qui fut aménagée au XVIIe siècle. On se retrouve brutalement en pleine chaleur. Et si la vue est magnifique, on entre bien rapidement à l’abri du soleil. Le temps cependant de prendre quelques photos et d’examiner les statuaires qui ont été déposés car trop abîmées par le temps et la pollution et qui sont entreposés dans cette galerie.

La galerie supérieure du cloître

La galerie supérieure 

La galerie supérieure du cloître

les statuaires déposées car trop abîmées

La galerie supérieure du cloître

lavabo où les moines se lavaient les mains

En redescendant, nous nous rendons au lavabo, où les moines se lavaient les mains en silence (eh oui, Lou, toujours) avant de se rendre au réfectoire. Là encore, le fond est jonché de pièces qui doivent être ramassées régulièrement, vu qu’il n’y a pas de monnaie antérieure à l’euro…

Nous retournons dans l’église. Le Nôm, qui ne prend pas de photo et qui n’a pas de petites histoires de moines à raconter à ses filles a fait la visite au pas de course avec Léone que les choses de la pierre ennuie aussi un peu, forcément. Il est assis sur un banc près du chœur. Quand je passe à côté de lui, il me fait cependant remarquer que nous sommes déjà venus ici. C’est sa façon de me dire que cela ressemble aux autres couvent cisterciens que nous avons visités. Je suis une monomaniaque du cistercien. En architecture, j’aime le dépouillement.

Dans le transept, face à face, deux tombeaux, celui du roi Pedro et celui d’Ines de Castro. Contrairement aux autres époux royaux, ces deux-là ne sont pas côte à côte, main dans la main, mais face à face. C’est que leur histoire est particulièrement sanglante. Pedro, marié à Constance de Castille, tomba amoureux d’une des dames de compagnie de son épouse, Ines de Castro, une Galicienne. Ce qu’apprécia fort peu son père, le roi Afonso IV, qui fit exiler la jeune femme, persuadé par ses conseillers qu’une telle liaison ne pouvait que menacer les intérêts de la cour. Pedro s’en trouva fort mécontent. De quoi je me mêle, bon sang…

Les amants maudits
Les amants maudits

Quelques années plus tard, sa femme meurt en donnant naissance à son troisième enfant. Pedro fait donc revenir sa maîtresse. Il l’épouse en secret. Le roi Afonso, outré par tant d’audace, laisse ses conseillers assassiner la belle Ines. Nous sommes en 1355. Colère de Pedro qui se révolte contre son père. Celui-ci a la bonne idée de mourir deux ans plus tard.

Mauvaise idée par contre pour les conseillers car le roi, maintenant, c’est Pedro. Il révèle son mariage avec Ines, et fait torturer les meurtriers, leur faisant arracher le cœur. Sa vengeance ne s’arrête pas là : en 1361, soit six ans après la mort de sa femme, il fait exhumer son corps, la fait revêtir de ses atours de reine, et fait défiler devant elle tous les nobles qui sont obligés de baiser la main du cadavre, ou de ce qu’il en reste. La vengeance est un plat qui se mange froid… Et un peu faisandé de préférence.

Le corps d’Ines sera accompagné de nuit de Coimbra à Alcobaça. Son tombeau, exécuté à la demande de son roi de mari, est magnifique, taillé dans une pierre d’une finesse extrême. Il repose sur des animaux qui, au lieu d’avoir la tête des lions habituels, ont figure humaine. La légende dit qu’il s’agit de ses assassins…

Les amants maudits

Cette histoire a fortement marqué Lou qui était très impatiente de voir les gisants. Mais pour le moment, elle fait la tête… Cela dit, ils sont si hauts que c’est difficile de bien les regarder. On ne peut qu’admirer les frises latérales. L’une, sur la tombe de Pedro, raconte la vie d’Ines sous la forme d’une roue de la fortune, thème très prisé à l’époque médiévale.

Au bout du transept, dans une petite chapelle, son entreposés les sarcophages royaux, dont celui d’Urraca, épouse d’Afonso II. J’arrive à faire sourire Lou en lui disant que ceux qui cherchent à tout prix des prénoms rares et originaux pourraient s’inspirer de cette reine. Je vois très bien une petite Urraca hanter les cours de récréation…

Les amants maudits

(…)

Comme d’habitude, de cliquer sur une des photos vous emmènera sur mon compte Flickr où vous pourrez voir plein d’autres images de nos promenades portugaises… D’autres, notamment celles du dortoir, de la nef et des tombeaux assez incroyables, seront ajoutées ultérieurement à ce post (quand je les aurais mise sur mon compte Flickr en clair)

1. Le vendredi 22 septembre 2006, 12:05 par Anne

Ayé. J’ai pris un peu de temps pour rattraper mon retard portugais (la semaine a été plus que chargée, du coup je procrastine à mort ce matin).

Je me faisais justement la réflexion au pied de mon monument d’attache qu’autrefois, quand on construisait une cathédrale, un opéra, un palais, on faisait ça pour que ça dure.

Le mien il est mitterrandien, ça n’est quand même pas de la préhistoire, et il commence déjà à accuser le coup des ans, du haut de ses 17 ans.

Bref, tout ça pour dire que 18 mètres de faïence, mazette !!!

2. Le vendredi 22 septembre 2006, 21:47 par Karaba (la vraie)

Les gisants de Pedro et d’Inès de Castro se font face dans les bras du tansept pour que le jour du jugement dernier, quand les morts se redresseront, le visage d’Inès apparaisse en premier à Pedro, sans qu’il ait besoin de tourner la tête!
Ce petit commentaire, non pas pour faire étalage de mon « savoir », mais pour laisser une trace de mon passage!

3. Le vendredi 22 septembre 2006, 22:22 par Karaba (la vraie)

Que les trois soeurs ne se sentent pas exclues de mes lectures, je leur rends visite quotidiennement, je repars souvent sur la pointe des pieds!

4. Le samedi 23 septembre 2006, 23:15 par Michel

magnifique !
il faudra que je prenne le temps de lire les autres billets. en attendant je bookmarke !

5. Le samedi 23 septembre 2006, 23:22 par Akynou/racontars

bienvenue à Michel, pêcheur d’images :-)

6. Le lundi 25 septembre 2006, 10:40 par andrem

Ouais ouais.

Madame la monomaniaque du cistercien (ce qui ne m’arrivera pas de sitôt, quoique), le moine ravi que je suis ne te dit pas merci pour le péjoratif.

Je me vengerai un jour.

7. Le lundi 25 septembre 2006, 15:44 par andrem

A part ça la vie est belle et tout va bien. Ton racontar sur Ines de Castro, c’est beau comme du Montherlant, dis.
Mais en mieux.

8. Le lundi 25 septembre 2006, 17:25 par Akynou

Andrem : tu es malin et tes connaissances te font honneur. Montherlant s’est inspiré de l’histoire d’Ines de Castro et de Pedro pour sa pièce La Reine morte. :-)

Ma phrase, c’est « la vie est belle et c’est tant mieux ». Elle n’est pas de moi, mais d’un auteur comique dont je ne me souviens plus du nom mais parfaitement de sa tête de doux rêveur.

Et comment, tu n’es pas ravi de me lire ?

9. Le lundi 25 septembre 2006, 19:20 par andrem

Jean-Jacques Vannier. Cet homme est dangereux. Je l’ai vu assassiner une salle entière en direct de rire, et je n’ai survécu que grâce à une panne miraculeuse de mon sonotone.