Imaginez une immense plage qui fait des kilomètres, bordée de cocotiers, de mancenilliers, de raisiniers, d’amandiers… Avec beaucoup d’ombre, ce qui ne gâche rien. Le sable blanc, je précise car la Guadeloupe a cette particularité, comme beaucoup d’îles volcaniques, d’avoir des sables de couleurs différentes. Il y en a des noirs, des blancs, des jaunes orangés, des roses. Donc celui-là est blanc. L’eau est… bleu turquoise, très transparente, très chaude… Chaude parce que peu profonde. C’est l’eau de mer la plus chaude que je connaisse. En effet, on y a de l’eau au mollet sur des centaines de mètres. Idéal pour les enfants…
Garance adore cet endroit. Et nous aussi ! Les cocotiers sont plein de fruits. Le Nôm grimpe alors et nous avons de quoi nous désaltérer, et manger. On dit une noix de coco en français mais un coco en créole. Comme c’est plus court, je choisis le créole.
Léone a pris son premier bain de mer et il semble qu’elle ait apprécié. Elle est restée un moment dans l’eau avec son père et moi, sans rien dire, regardant juste son entourage et l’eau avec circonspection. Puis nous l’avons douchée. Nous emmenons toujours des bouteilles d’eau douce que nous laissons au soleil. Cela fait une douche bien chaude pour se dessaler. Je l’ai promenée le long de la plage. Elle avait l’air très à l’aise, à poil dans mes bras. J’adore amener mes bébés ici et leur faire découvrir les joies de ce monde.
Nous avons vu une serpentine à fleur d’eau. Cela ressemble à un grand serpent couleur sable avec des tâches marron. C’est totalement inoffensif. J’en ai vu souvent lors de mes plongées, mais c’est très rare d’en voir si près de la plage. Je me demande ce qu’elle faisait là, amenée par la marée sans doute. J’espère qu’elle a pu repartir. Même si on sait que c’est inoffensif, c’est toujours impressionnant de voir cet animal avancer, ramper et prendre la mer. Moi, je ne peux pas m’empêcher, je me tiens loin.
A marée basse, il y a des roches et des amas qui dépassent de l’eau. De grandes parties de la plage sont à découvert, ce qui est très rare ici, la marée étant maximum de 1 mètre. C’est le moment propice pour découvrir quantité d’animaux très bizarres et pas toujours ragoûtant. Les filles passent tour à tour de l’émerveillement au dégoût. Il y a notamment une limace qui a un aspect gluant assez beurk mais des couleurs très belles. Il y a plein de petits crabes, qu’on ne ramasse pas car ici on ne mange pas les crabes de mer. Et pour cause, il n’y a rien à manger dedans. Par contre, les crabes de terre, c’est du nanan. Les gens les attrapent et les engraissent. Quand ils sont à point, paf dans l’assiette. Un bon matété de crabes, y’a rien de meilleur.
Nous avons quitté la plage à la nuit tombante. J’aime les couchers de soleil à Bois Jolan. On y voit la montagne sur la Basse-Terre s’enflammer. En cas d’éruption de la Soufrière, le volcan local, ça doit avoir des allures très inquiétantes mais magnifiques.
Hier soir, nous avons été chez un ami du Nôm fêter l’anniversaire d’un de ses enfants. Il en a 6, trois garçons, trois filles. Ils vivent dans une case en bois de deux pièces, mais squattent chez sa mère à lui qui a, trois mètres au-dessus, une case beaucoup plus grande. Pas beaucoup de travail, donc pas beaucoup d’argent, donc pas de maison en dur. Et ils préfèrent être là, chez eux, sur leur terrain plutôt que d’aller dans un appartement HLM (à loyer modéré). La maison n’est pas très confortable, mais il y a tout de même une télé écran géant, un magnétoscope, une chaîne hifi des plus puissantes (ici, c’est quasi incontournable, on parle fort et on aime la musique à fond), un abonnement au satellite, deux téléphones portables. Mais pas de salle de bains, juste une douche dans le jardin. Paradoxal sans doute.
Ils sont adorables. Lou et Garance les aiment beaucoup. Et les parents sont vraiment gentils. On y passe de bons moments car ils savent accueillir, même avec peu de moyens. Hier, on a passé une soirée super, on s’est bien marré. Et j’ai un peu trop bu. Ce matin, j’ai mal aux cheveux. Ça m’apprendra à faire des mélanges : rhum, vin rouge, champagne, mal de tête assuré. Heureusement qu’on a mangé. Sinon je ne sais pas comment je serai rentrée.
Parfois, on me demande comment je fais pour vivre dans des conditions très différentes de celles chez moi. Je suis une citadine et ici, c’est la campagne profonde. J’aime cette île tout simplement et que je respecte ses habitants. J’ai fait de mon mieux pour les connaître. Etudes, lectures, rencontres… On vit mieux avec ce que l’on comprend.
Il n’empêche que le réveillon de noël me reste un peu en travers de la gorge. Je me dis toujours que je ne veux plus passer noël dans la famille de mon mari. Et puis tous les deux ans… Les fois précédentes, j’avais râlé à cause des enfants. La première fois, comme je ne savais pas comment ça se passait et qu’eux-mêmes ne savaient pas ce que j’avais l’habitude de vivre, Lou a eu ses cadeaux à la sauvette. C’était notre premier noël à toutes les deux ensembles, le premier noël de mon premier bébé et j’avais rêvé vivre un peu la magie des cadeaux de quand j’étais petite. La seconde fois, ma belle-sœur a choisi de se marier un 26 décembre. Ce qui fait que toute la maison était mobilisée pour se faire belle le lendemain. Nous avons été réveillés à 5 heures du matin (après un réveillon passablement arrosé), et les filles ont dû déballer leurs cadeaux en vitesse sur la terrasse qu’il fallait déserter le plus tôt possible. C’est tout juste si ma belle mère s’est arrêtée trente secondes pour assister à l’ouverture des paquets. Cette fois-ci, tout de même, les filles ont eu droit à un vrai noël. Le père noël était passé dans la nuit, tout le monde a joué le jeu et, quand elles se sont levées, elles ont trouvé tous les paquets au pied du sapin en plastique. Nous avons eu du temps et ma belle-mère et ma belle sœur étaient présentes.
Mais Noël ne semble pas une fête pour les enfants, plutôt pour les adultes. Une fois les cadeaux distribués, ils vont de maison en maison manger un morceau et boire un coup. C’est joyeux, mais les plus jeunes s’ennuient à 100 sous de l’heure si je puis dire. Et il y a parfois des situations qui me surprennent. Mon beau-frère par exemple ne sait pas rester chez lui. Comme je l’ai raconté hier, il invite du monde pour l’anniversaire de sa fille (elle est du 23 décembre) et part à la première occasion. Ce n’est pas la première fois que je vois cela. Un des frères de ma belle-mère m’avait invité à dîner (avec ma belle-mère) une fois que j’étais venue sans le Nôm. Il est parti avant la fin du repas. Je ne savais pas quoi faire. Mais bon, sa femme était sympa, ses filles aussi. On a papoté et passé une très bonne soirée. Ce n’était pas un réveillon. Pour moi, lorsqu’on a des invités, on s’en occupe. Hier, c’est mon beau-frère qui a lancé les invitations, mais c’est sa femme qui a tout fait : le repas, les boissons… Lui s’est contenté de faire le clown. Et ça m’énerve. Je ne peux pas m’empêcher.
Je ne peux évidemment rien dire au Nôm au sujet de son frère, qui par ailleurs est un mec adorable et cool, qui ferait n’importe quoi pour rendre service. Le Nôm n’admet pas la critique sur ses amis, sa famille. Surtout sa famille. Mais c’est bien la dernière fois que je passe noël en Guadeloupe tant que je n’y ai pas ma maison.
Quand j’étais petite, nous ne voyions jamais de père noël (maintenant, on en voit partout, ici comme à Paris). Il restait dans nos pures imaginations, sauf bien sûr ceux des magasins. Nous dînions, nous allions nous coucher et soit nous étions chez nous, et nous nous réveillions pour découvrir le sapin et les paquets le matin du 25. Soit nous étions ailleurs, et l’on nous réveillait dès que le père noël était passé. C’est d’ailleurs ce que nous avons fait pour le deuxième noël de Lou. Nous étions chez ma mère, nous l’avions couchée alors qu’elle tombait de sommeil. Puis nous avons tranquillement réveillonné. Avant le dessert, nous avons déposé tous les paquets et puis j’ai été la chercher. J’ai filmé son réveil et je me suis fait l’effet d’une mère cruelle. Elle dormait si bien… Elle a été dans les vapes pendant un moment, mais au fur et à mesure des paquets, elle était de plus en plus éveillée. Et finalement, elle était très très heureuse.
L’avion pour Paris vient de passer au-dessus de la maison. Signe que le temps a vraiment viré au beau. J’aime assez l’idée de cet avion qui file vers Paris alors que je ne suis pas dedans. Le ciel est teinté de rose et les grenouilles ont commencé leurs chœurs. Il est 18 heures et la nuit tombe. Je râle quand, à Paris, la nuit tombe tôt, mais ici, ça m’est égal. Il faut dire qu’on se lève de bonne heure et qu’on a le temps de profiter de la journée.
Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression que cette année ne passera pas l’hiver… Desproges me manque. Que n’aurait-il pas dit sur ce nouveau millénaire…