En ordre de Batalha (1)
Nous continuons le récit de notre périple au Portugal. Ce jour-là, le 12 août, nous sommes partis visiter Batalha, le deuxième monastère important du Portugal après Alcobaça et avant Los Jeronimos, en terme d’architecture s’entend.
Le monastère de Batalha a surgi des champs à la suite d’un vœux, celui que Joao Ier a fait à la Vierge. S’il gagnait la bataille d’Aljubarrota contre les Espagnols et les Français, il lui ferait édifier la plus belles des églises. Les observateurs de l’époque ne devaient pas donner cher de sa peau, les envahisseurs étant bien plus nombreux. Mais, parfois, il y a des miracles. Le 15 août 1385, la petite armée portugaise détruisit méthodiquement l’ennemi : pas de prisonniers et les fuyards poursuivis et mis à mort. Cette bataille fut si importante qu’elle mit à l’abri deux siècles durant le Portugal des prétentions espagnoles. Cela valait bien un monastère inscrit au patrimoine mondial de l’humanité.
D’ailleurs la ville s’active en préparation des fêtes de commémorations. Mais le week-end du 15 août, de toute façon, tout le Portugal se prépare à a fête. A Muge, par exemple, on fête le saint patron depuis trois jours. Et à la sortie de l’autoroute, nous tombons sur une ville de Fatima totalement embouteillée par les pèlerins. Si j’avais un tant soi peu l’intention de visiter le sanctuaire, la foule qui s’y presse m’en aurait dissuadée.
J’ai visité Fatima (et Batalha) il y a très longtemps grâce a des amis. J’ai le souvenir d’un endroit ressemblant à une décoration de Chantilly sur une pêche melba grandiose. Ce qui m’avait frappé, c’était les escaliers que les pèlerins sont censés monter à genoux. Les gens n’ont jamais trop d’imagination pour s’humilier. Le lieu est surtout impressionnant vide, me farcir Fatima et la foule n’est pas dans mes projets.
Nous prenons enfin la direction de la Bataille. Il y a du monde aussi, mais pas encore la foule des grands jours et nous trouvons facilement un endroit où nous garer. Puis, comme il est un peu plus de midi, je pose la question rituelle : on mange avant ou après la visite ? Lou est plus prudente que la fois précédente et vote comme les autres : on a faim, on mange.
Les terrasses sont pleines et il y fait chaud. Nous entrons à l’intérieur d’un des deux bars et nous installons non loin du comptoir. Mais au bout d’un quart d’heure, personne n’est venu nous voir. Personne ne nous a même jeté un regard genre : « On arrive… » Visiblement, nous n’existons pas. Des tables s’étant libérées à la terrasse du bistrot voisin, nous déménageons. Là nous sommes immédiatement accueillis par un jeune homme qui parle français. Ouf ! salade de poulpe pour les adultes, croque monsieur pour les enfants, le repas est vite expédié.
Avant d’entrer dans le monastère, je passe devant une boutique de souvenirs qui vend également du linge de maison, dont des nappes merveilleuses. Je propose au Nôm d’en acheter une pour sa mère. Nous finissons par opter pour une grande toile de coton et de lin, brodée de fleurs bleues. Puis je furète à la recherche d’un cadeau pour ma sœur, qui attend un bébé. Enfin j’achète une collections de torchons brodés qui feront de jolies serviettes pour les mousmés. D’ailleurs, elles sont d’accord.
Nous voilà bien chargés pour visiter le monastère et ce n’est pas très malin… Le jeu sera de se refiler le sac pendant la visite. La seule épargnée sera Léone, pour cause d’âge tendre.
Nous avons passé deux bonnes heures à visiter les lieux. La pierre avec le temps a pris des teintes dorées et oranges qui doivent être particulièrement belles dans le crépuscule. Elle a aussi, du fait de la poussière et de la pollution des tons noirs qui sont bien moins seyants. Cela me rappelle Notre Dame de Paris quand elle était encore noire. Sur les vieilles cartes postales des années soixante, on se rend compte que le noir ne lui allait pas si bien que ça…
De la nef, toujours impressionnante (haute, belle, sobre, gothique, le quarté gagnant en quelque sorte), on gagne la chapelle des fondateurs, un petit bijoux d’architecture. Octogonale, elle est couverte d’une coupole étoilée fascinante par la pureté de ses ogives et la beauté des décorations. A se promener le nez en l’air, on en oublierait presque ce que contient cette salle.
Les vitraux manuélins sont de toute beauté. C’est rare. Cet art a eu bien du mal a résister aux fréquents tremblements de terre. Et les sarcophages sont magnifiques. Au centre, ceux de Joao Ier et de Filippa de Lancastre, son épouse, autour, ceux de leurs enfants : Ferdinand le saint, surnommé le martyr de Fes (il fut pendu par les pied dans une prison du Maroc, les condamnations à mort ne manquaient pas d’imagination à l’époque), Joao, Henri le navigateur, Pedro. Il me semble qu’il en manque un, Duarte, père du roi suivant Afonso V qui, lui, est bien présent avec son fils mort noyé dans le Tage alors qu’il n’avait que 14 ans. Je suis loin de maîtriser les arcanes de la monarchie portugaise, d’autant qu’elle compte quelques bâtards. Mais quand même, où donc est passé Duarte ?*
Nous repassons dans la nef puis sortons admirer le portail. La plupart des statues ont été remplacées par des copies. Nous verrons les originaux rongés, lépreux… le travail des restaurateurs est remarquable. Les statues des apôtres reposent sur des petites scènes exemplaires – un roi lisant, un homme portant un cadavre nu, des moines présentant des écritures – ou fantastiques – des sirènes, des hommes aux pattes animales.
C’est ce que j’aime dans l’art médiéval, ce mélange de réalisme et de fantastique. Nous entrons à nouveau dans la nef et payons pour aller visiter le monastère.
(*) En fait, je sais où il est, mais je le raconterai plus tard…
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