Je suis en train de lire le rapport de l’IGAENR et de l’IGEN (termes barbares qui désignent respectivement l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et l’inspection générale de l’éducation nationale), ce texte dont la presse (Libé, Le Monde, Le Nouvel Obs Paris) ont fait des gorges chaudes, il y a quelques semaines…
J’ai d’ailleurs été en contact avec la journaliste du Nouvel Obs Paris qui a pondu l’article. Elle a également téléphoné à la directrice de l’école de mes filles. Total, dans le papier, ne sont retenues que les thèses de l’inspection d’académie, aucunement celles des parents d’élèves dont je fais partie ni celles des enseignants. Pourtant, le b.a. ba du journalisme, normalement, c’est de traduire les deux parties en présence. Pas d’instruire à charge. Mais bon, tout le monde le sait, il en va du journalisme comme de toutes les professions, il y a les consciencieux, les bons professionnels, et les autres…
J’en suis à la page 33. J’ai déjà bondi sur mon siège une bonne dizaine de fois. Mais là, je tombe de ma chaise. Je lis : « L’autre gros défaut, peut-être encore plus grave aux yeux de la mission, [on parle des professeurs de la ville de Paris qui donnent les cours de dessin, de musique et de sport aux enfants des écoles de Paris] est que ce système s’avère être mieux adapté aux élèves les plus favorisés, ceux qui ont moins besoin de l’école, que les autres, ceux pour lesquels la multiplication des disciplines et des maîtres n’aura pas de conséquence sur les apprentissages fondamentaux. »
Et là, le doute m’assaille. Il y a des enfants, favorisés, qui ont moins besoin d’école ? Moi, je croyais bêtement que tous les enfants avaient besoin de l’école, favorisés ou pas, intelligents ou pas… Sinon, pourquoi serait-elle obligatoire. Et là j’apprends que oui, mais que certains en ont moins besoin. Et alors, on fait quoi avec ceux-là. On les garde à la maison. « Oui, vous comprenez, ma fille a moins besoin d’école, alors je la garde à la maison un jour sur deux. »
Je me gausse, mais comment prendre au sérieux un document qui exprime aussi mal une idée somme toute assez simple…
Enfin, ce qui me gêne le plus, dans ce rapport jusqu’à présent, c’est qu’on semble y attribuer le (relatif) échec scolaire des enfants de Paris aux seuls enseignants du public.
– Relatif parce que les moyennes nationales de réussite au bac général ne sont en avance que d’un point sur les statistiques parisiennes (un peu plus importantes pour les bacs technologique et professionnel).
– Aux seuls enseignants du public parce que, si les établissements privés sous contrat sont en partie analysés, c’est toujours pour mettre en avant leurs bonnes performances. Il y a un paragraphe désarmant de bêtise et de naïveté qui dit que les résultats au bac sont meilleurs pour les années de 1999 à 2002 (curieusement, contrairement à tous les autres tableaux, les chiffres de 2003 ne sont pas donnés, peut-être auraient-ils indiqué que le public avait rejoint le privé cette année-là ?) et que « la mission a vérifié le nombre d’élèves présentés à l’examen en 2003 […] et l’a comparé avec l’effectif constaté en terminale à la rentrée 2002. cet examen montre que […] les lycées présentent la totalité de leurs élèves à l’examen. »
Oui, la totalité des élèves que les établissements privés ont bien voulu inscrire et accepter en terminale. Si un certain nombre d’établissements publics, minoritaires, se permettent de faire le tri grâce à leur réputation, ce n’est pas du tout le cas de la majorité. Il ne faut pas se leurrer, même à Paris, il est difficile d’inscrire les enfants dans les écoles et lycées privés, les listes d’attentes sont longues comme le bras. Et ils en profitent, n’ayant aucune obligation de secteur, pour trier leurs futurs élèves sur le volet. Faut vraiment être un inspecteur de l’enseignement pour ne pas avoir pensé à cela.
Donc, d’après ce texte, tous les maux seraient dus aux enseignants du public et aux professeurs de la ville de Paris. Les conditions de vie des enfants, les familles, elles, bien sûr, ne sont pas remises en cause. Comme si l’école, seule, pouvait surmonter tous les handicaps des logements trop petits, des familles entières qui vivent dans 10 mètres carrés, du fait que la ville n’est absolument pas faite pour les enfants quels qu’ils soient, la politique économique désastreuse pour les plus faibles, le chômage, etc. La société n’est pas coupable M. le juge, mais par contre, ces enseignants qui ne foutent rien et en tout cas pas leurs heures de travail (et qui en plus fomentent des révoltes et des manifestations), eux oui, ils sont tous à fusiller !
Un paragraphe m’étonne quand même un peu. Je le livre à votre sagacité : « Dans l’enseignement public [parisien, NDLR], les enfants domiciliés dans les académies périphériques [ceux qui vivent en banlieue mais vont à l’école à Paris, NDLR] enregistrent de meilleurs scores que les Parisiens [il manque la majuscule dans le rapport, NDLR] proprement dits. Cette situation se confirme quel que soit le type de baccalauréat. Même si la modestie des objectifs de non-résidents en cause appelle un jugement mesuré, on notera que ce différentiel atteint parfois jusqu’à 9 points en leur faveur pour les baccalauréats technologiques et professionnels). » Pourtant, si je ne m’abuse, les enseignants sont les mêmes et les conditions scolaires également.
Les enfants parisiens seraient-ils plus stupides que les autres ? En tout cas, si je veux que mes enfants aient de bons résultats à l’école, la solution est que j’aille habiter en banlieue et que je continue à mettre mes enfants dans une école publique parisienne. Ce serait donc les transports qui rendraient l’enfant plus intelligent. On devrait verser une prime à la RATP…
Bon, je vais continuer ma lecture. Je vous tiendrai au courant. Je précise tout de même que je ne suis pas enseignante, je n’ai pas de famille ni d’ami qui soit enseignant sur la ville de Paris. Je suis mère d’élèves. Et l’école, je la vis au quotidien en tant qu’usagère du service public. Pas en tant qu’intervenante.