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Il pleut

Il pleut. Il pleut toujours beaucoup en décembre ici. C’est la fin de la saison humide. La plupart du temps, ça ne dure pas. Vous voulez savoir quelle impression ça fait d’être sous la pluie ici ? Allez dans votre douche, prenez le pommeau, réglez l’eau à une température agréable et mettez-le à pleine puissance sur votre tête. Cela vous donnera une idée… Garance, qui aime l’eau sous toutes ses formes, adore ça. Cela fait deux fois que nous la récupérons sous l’averse. Normalement, sous la terrasse, nous sommes à l’abri. Mais là, la pluie est si violente que j’ai dû trouver abri dans la maison. Je ne tiens pas à bousiller l’ordinateur… Je me ferais appeler Arthur.

En attendant que la pluie cesse, j’ai été dans la cuisine boire un verre de lait et c’est la bouteille d’eau en verre qui m’est tombée sur les pieds. Je me demande si je n’aurai pas dû rester sur la terrasse. Je suis bien heureuse que mes mouflettes soient en train de dormir, elles qui marchent toujours pieds nus.

La sieste a été épique aujourd’hui. Il leur a fallu deux heures pour s’endormir. Mais j’ai tenu bon : vous restez au lit. Et le résultat est là. Elles ont fini par sombrer dans les bras l’une de l’autre, d’un seul coup. Et tout est calme. L’homme est chez les voisins et cousins en train de papoter, ma belle-mère est à l’école (elle est aide maternelle) avec Onélie la cousine de Lou. Elles ne rentreront que vers 17 heures et les deux autres dorment. Dieu que le monde peut être bien fait de temps en temps.

La famille du Nom vit dans les Grands-Fonds des Abymes. C’est une série de mornes (petites collines) très serrés les uns contre les autres, avec des vallées très encaissées. Le nom de la région (mini région) vient du fait que certaines vallées descendent en dessous du niveau de la mer. C’est un coin que j’aime particulièrement. La végétation y est luxuriante, le flanc des mornes est très abrupt. Cela pourrait ressembler à une « craque » des seins comme disent les Québécois. Mais il s’agirait alors d’une femme qui aurait une centaine de seins… Vu d’avion, la comparaison est encore plus saisissante. Je ne vous dis pas le dédale des routes et des chemins. Entre ceux qui descendent dans les vallées, ceux qui suivent les crêtes. Ça tourne, ça vire, ça monte, ça descend. Ça monte tellement fort à certains endroits que seule la première passe (pour les voitures non-automatiques s’entend). Et mieux vaut ne pas s’arrêter en chemin car le frein à main n’est pas toujours suffisant. Ça grimpe fort donc, mais pas longtemps, car les mornes ne sont jamais très hauts.

 

Et puis c’est assez labyrinthique. Depuis quelques années, la signalisation s’améliore. Avant, il n’y en avait pas du tout. Et nombreux étaient les néophytes qui se sont perdus en voulant prendre un raccourci. Pourtant, c’est le chemin idéal pour éviter les embouteillages entre Saint-François (la commune la plus touristique de l’île) et Pointe-à-Pitre (la ville principale, même si ce n’est pas la préfecture).

J’aime cette végétation, des arbres en veux-tu en voilà avec chacun leur teinte de vert, des fleurs toutes plus belles les unes que les autres, et les fruits… Les maisons poussent elles aussi comme des champignons, mais ce n’est pas dérangeant. On ne voit pas trop les voisins, l’horizon n’est jamais bien loin.

A cette heure (un peu plus de 16 heures), les premières grenouilles commencent à chanter. C’est le signe que le jour décline irrémédiablement. Elles font une musique infernale qui accompagne toutes nos soirées. Et quand vous les voyez ces chanteuses, elles sont minuscules, à peine plus grosse que l’ongle de mon pouce (qui est de taille tout à fait normale, lui).

La pluie est partie. Maintenant il fait grand soleil. Plus un nuage dans le ciel. Juste un avion. Le sport favori des enfants ici est de donner le nom de la compagnie et la destination de l’avion qui passe. Je me demande même si on ne pourrait pas leur demander le nom du pilote. Garance garde de ses séjours ici une passion pour les avions dans le ciel (à terre, elle s’en fout) et pour tout objet volant. Elle le détecte bien avant moi. Et à Paris, ce n’est pas si évident.

Ce matin, nous avons été inscrire Lou à l’école. Et c’est là que j’ai réalisé qu’elle allait avoir 6 ans le 3 janvier et qu’elle allait alors commencer sa scolarité obligatoire. Heureusement que nous avions prévu. Je ne me voyais pas emmenée par les gendarmes les menottes au poignet (ça s’est vu, mais il y a très longtemps, enfin je crois…). Demain, j’aimerais bien qu’on aille un peu à la plage. C’est le meilleur endroit où l’on puisse être quand il pleut. Les affaires sont soit sous un carbet soit dans la voiture. Et nous, nous sommes dans l’eau. Et, sur la plage, il n’y a pas grand monde, les touristes préférant se morfondre dans les hôtels. Ça, c’est quelque chose que je n’ai jamais compris. La pluie ne m’a jamais empêché d’aller me baigner. Ce n’est pas comme en France, où quand il pleut, il fait froid. Ici, au contraire, il fait bon. Et quand on n’a qu’une semaine de vacances, autant en profiter.

Léone roupille de moins en moins dans la journée. Quand elle est réveillée, nous l’installons sur la terrasse où elle se délecte à contempler le monde qui bouge. Dès qu’elle est un peu fatiguée, je la mets sur mon lit, sous la moustiquaire. C’est beau un enfant qui dort sous une moustiquaire. Cela donne un très beau halo. Ce matin nous l’avons emmenée avec nous (il y avait une tétée en prévision). Elle a refusé de dormir jusqu’à ce que nous rentrions. Deux heures tout de même dans la chaleur. Elle est résistante cette petite, et volontaire.

Un rayon de soleil qui me tape dans l’œil. Un violent coup de barre cherche à tout prix à m’assommer. Il n’est pas loin d’y arriver le bougre. Faut que je bouge si je ne veux pas sombrer. Tiens, je vais rejoindre mon mari et me faire offrir un truc à boire.

Ah si dernière chose. J’ai reçu un mail de la direction de mon boulot. Apparemment, j’ai gagné ce que je voulais concernant l’accord sur les 35 heures. Pas mal fière d’elle la fille.Elle est BBFC (belle, bonne, fine, capable…). Et vous savez ce que BBFC veut dire en créole. Ban banque franco caribéenne. Je sais, le jeu de mot est nul, mais j’adore.